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L’accompagnement est-il un nouveau mode de relation?


Danièle Boulard
Lundi 4 Juillet 2016



Ce que veulent ceux qui n'ont pas de toit! Pas l'aumône, pas la pitié, ni la charité. Ils veulent un bail et une clé (Paroles de l’Abbé Pierre, 2006) (1). J’ai choisi cette citation de l’abbé Pierre, car celle-ci colle bien à la relation qu’un accompagnateur doit avoir envers son accompagné, celui de ne pas donner le bail et la clé à son protégé (2), mais plutôt lui procurer les moyens de trouver son bail et sa clé. Cela va aussi dans le même sens du fameux proverbe que beaucoup de personnes connaissent : « Si tu donnes un poisson à quelqu’un, il mangera aujourd’hui et si tu lui apprends à pêcher, il mangera toute sa vie» (3). Ces citations illustrent parfaitement l’importance de l’éducation, de la formation et de l’apprentissage; trois pivots essentiels de l’accompagnement.



cc/ pixabay
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Aide ou accompagnement : comment distinguer?

Avouons que ce n’est pas facile de distinguer entre le fait d’aider ou d’accompagner quelqu’un.  À mon avis, l’accompagnement fait plus référence à un rôle à jouer et la relation d’aide s’apparente plus à un geste posé envers quelqu’un. D’ailleurs, nous avons souvent le privilège d’aider plusieurs personnes au courant de notre vie, mais nous n’avons pas toujours l’opportunité d’accompagner ou d’être accompagnés par quelqu’un. Permettez-moi de vous dire que l’accompagnement ne date pas d’hier. Afin d’élucider ce phénomène, je vais vous livrer quelques faits historiques qui vous permettront de poser un regard éclairant sur l’apport des Sœurs au Québec. Nous aurions pu mentionner leur apport en éducation, en santé et dans bien d’autres domaines, mais pour cette tribune nous avons choisi l’immigration.
 
Mentionnons trois faits importants. Le premier, les Sœurs de l’Immaculée-Conception ont inauguré une maison à Québec pour une œuvre chinoise en 1919 ; celles-ci offraient le dimanche, des cours variés de français, d’anglais et de comptabilité. Le deuxième, près de cinquante ans plus tard, soit en 1976, le Centre Missionnaire de l’Immaculée-Conception a dépanné des centaines de nouveaux arrivants originaires de plus de 70 pays, en offrant des cours de langues. Le troisième, les Sœurs grises de Montréal, dans les années 1978-1979, se sont occupés des réfugiés communément appelés « boat people » venant d’un peu partout à travers le Canada. Ces informations viennent d’une religieuse que nous estimons beaucoup, nommée Sœur Rose-Alma, de la Congrégation des Sœurs grises. Cette dernière a relevé ces informations du livre de Chantal Gauthier : Femmes sans frontières – l’histoire des Sœurs missionnaires de l’Immaculée-Conception 1902-2207. À ce jour, celles-ci reçoivent encore à l’Accueil Bonneau (4), un nombre considérable de sans-abris et d’étrangers. D'ailleurs, je regrette parfois la disparition des communautés religieuses, car elles ont été des modèles exemplaires de bonté, de générosité et de don de soi. Soyons honnêtes, nous retrouvons, au sein de notre société, très peu de personnes qui ont ce même désir d’aider et de donner aux autres, de façon aussi gratuite. La vie change, vous me direz! Eh! Oui, je suis absolument d’accord avec vous, mais nous devons comme société instaurer des « îlots d’aide », afin de combler ce manque.
 

Accompagné/accompagnant : quelle relation?

Sans surprise, la plupart des études disent que les bienfaits d’une relation d’accompagnement sont plus nombreux que les inconvénients. Avant d’aller plus loin, Carden (1990 : 294) (5) nous met en garde de fausses prémisses à l’égard de cette relation. En voici quelques-unes : les bénéfices sont réservés aux accompagnés, l’expérience est toujours positive pour les deux partenaires et les possibilités d’accompagnement sont accessibles à tout le monde.
 
En ce qui concerne les bienfaits, Schulz (1995 : 58) (6) ne voit aucune différence entre les bienfaits qu’un accompagnateur peut se procurer et ceux d’un accompagné. Cet auteur en mentionne trois: l’apprentissage, le plan de la croissance et le développement personnel. Toutefois, une question demeure? Comment pouvons-nous penser qu’un accompagnateur puisse retirer autant de bienfaits que son protégé? Houde (1995) (7) offre certaines explications là-dessus : l’accompagnateur, ayant souvent la plupart du temps plus d’expérience et d’éducation que son protégé, ressent souvent un besoin viscéral de remettre à la société ce qu’il a reçu et une grande satisfaction personnelle de transmettre ses savoirs à la relève.
 
Pour ce qui est des inconvénients, elle n’est pas différente des autres relations. Parfois, sans qu'on le désire, nous nous associons à des gens qui empoisonnent notre vie. À mon  avis, les premiers signes à surveiller sont un manque soudain de confiance en soi, des manifestations d’intimidation, de dépendance, d’indifférence et bien d’autres. Je conclus en disant ceci : si une relation d’accompagnement saine peut « donner des ailes » et permettre à l’individu de croître et elle peut avoir l’effet contraire si elle s’avère « toxique »; d’où la nécessité de rester toujours très vigilant dans toutes nos relations.
 
À la prochaine tribune!



[1] http://www.mon-poeme.fr/citations-abbe-pierre/#q6ofaK084vsMy9Cj.99 in Servir : Paroles de vie (2006)
[2] Dans le texte, j’utilise parfois le terme protégé pour désigner accompagné, pour ne pas alourdir le texte.
[3] http://dicocitations.lemonde.fr/citations/citation-103448.php
[4] Consulté le 9 janvier 2009 : http://www.accueilbonneau.com/fr/services/
[5] Carden, A. D. 1990. « Mentoring and Adult Career Development: The Evolution of a Theory». The Counseling Psychologist, vol. 18, no 2, p. 275-299
[6] Schulz, S. 1995. « The Benefits of Mentoring » In Mentoring : New Stategies and Challenges Sous la direction de Galbraith, M. et N. Cohen, no 66, Summer 1995. San Francisco : Jossey- Bass Publishers, p. 7-67.
[7] Houde, R. 1995. Des mentors pour la relève. Montréal : Éditions du Méridien. 253 p.

Danièle Boulard est détentrice d’un baccalauréat en psychosociologie (1997), d’une maîtrise en communication (2000) et d'un doctorat en communication (2012) tous les trois obtenus à l’Université du Québec à Montréal.Son mémoire de maîtrise porte sur les relations entre le mentor et le protégé et les attentes de ces deux acteurs au sein d’une relation mentorale; sa thèse de doctorat quant à elle présente le mentorat comme outil d’intégration des immigrants.Actuellement chercheure autonome, elle travaille depuis 2004, avec les équipes de recherche du professeur Benoit Duguay ; elle a été impliquée dans plusieurs études réalisées pour la Ville de Montréal et d'autres organismes. Elle a précédemment fait carrière au sein d'une entreprise multinationale en formation professionnelle, entre autres comme directrice des services aux étudiants puis comme directrice de succursale.

Retrouvez Danièle Boulard sur http://duguay.org/db/




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