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les monnaies complémentaires: l'avenir économique viendrait-il du local?


Vendredi 7 Avril 2017



Elles s’appellent l’eusko, la sol-violette, la miel ou encore la pêche, ces monnaies dites locales ont en commun d’être utilisées, en plus de l’euro, sur un petit bout de territoire français. Complémentaires de la monnaie européenne, ces devises, en reprenant la philosophie de l’économie sociale et solidaire, se veulent au service du local. Loin d’être un phénomène totalement isolé, ce système se développe, et son utilité pourrait, dans les prochaines années, s’élargir.



L’origine philosophique des monnaies locales

Le courant dominant favorable au développement des monnaies locales fait le constat liminaire de l’échec de l’Etat providence d’une part et de l’Etat socialiste des pays de l’est d’autre part. Keynes et Marx sont mis dos à dos. L’économiste Hervé Defalvard, Président de la Chaire d’économie sociale et solidaire de l’Université de Marne la Vallée, explique dans les colonnes du journal Le Monde  : « sur les décombres de l’Etat et du tout-marché, une nouvelle théorie générale du commun s’esquisse dont l’horizon est celui de la société du commun ».

Cette société « du commun » se doit d’organiser la vie des individus en partageant des ressources fondamentales comme l’éducation, la santé, le logement, l’emploi, la culture, la mobilité, l’alimentation ou encore l’énergie. Pour ce faire, et toujours selon l’économiste, l’un des impératifs à l’avènement de cette société est l’instauration « de la monnaie en commun ». « Les monnaies locales pour leur fonction de moyen d’échange, le financement participatif (sous certaines conditions) pour sa fonction d’épargne et d’investissement, témoignent de microexpérience de monnaie en commun. Il faut aller plus loin en créant pour la monnaie de circulation et la monnaie épargnée et investie de nouvelles règles qui la désencastrent de la monnaie spéculative et la mettent au service de tous ».

Etat des lieux des monnaies locales

L’une des plus anciennes toujours en circulation est la « WIR ». Née en Suisse, en 1934 pendant la crise économique, elle est actuellement utilisée par plus de 60 000 entreprises. Autre exemple, la brixton pound à l’effigie de David Bowie est en usage dans le quartier londonien de Brixton est utilisée par une centaine de commerces.

En France, près d’une quarantaine de monnaies locales circulent, et autant devraient, dans les prochaines années voir le jour. L’accélération de ces créations de monnaies est liée, en grande partie, à la loi du 31 juillet 2014 portant sur l’évolution de l’économie sociale et solidaire. Les pouvoirs publics, avec à sa tête Carole Delga, secrétaire d'Etat déléguée au Commerce, à l'Artisanat, à la Consommation et à l'Economie sociale et solidaire, ont souhaité donner une base légale à ces devises.

Le système d’une monnaie locale et ses avantages

Il ne s’agit pas de construire un système monétaire parallèle rivalisant avec les grandes devises mondiales. Néanmoins, la crise des subprimes de 2008 a largement contribué à modifier la vision des individus sur la monnaie et encouragé les initiatives alternatives.

En moyenne, chaque monnaie compte, selon le site Les Echos , 450 utilisateurs particuliers, 90 professionnels pour un montant en circulation de 26 000 euros. Aussi différentes soient-elles, elles ont en commun d’être régies par une association loi 1901 à but non lucratif et d’être reliées à la monnaie légale de leur pays (l’euro pour le cas français) à un taux de change équivalent. La plupart d’entre elles sont libellées en monnaie fiduciaire (billet). Ce moyen de paiement de substitution doit être accepté par un certain nombre de commerçants et artisans qui devront « signer une charte mais celle-ci ne doit pas être trop exigeante sinon, on ne touchera que des gens qui ont déjà une conscience écolo  », aime à dire Martine, initiatrice d’un projet monétaire à Douai.



En outre, le but des monnaies locales, selon le rapport de 2015 remis à madame le Secrétaire d'Etat Delga, est « de privilégier l’usage local de revenus tirés d’une production locale, de constituer un circuit complémentaire au circuit économique courant ».
Certaines monnaies offrent des possibilités plus élargies que d’autres. Par exemple, celle de Boulogne-sur-Mer, appelée la Bou’Sol, peut être utilisée pour payer certains services publics.

Les possibles évolutions des monnaies locales

Toujours selon les Echos, 29% des Français sont favorables à l’introduction d’une monnaie nationale complémentaire à l’euro et 14% en utilisent déjà une. Deux chiffres qu’aime à rappeler Bernard Lietaer, parrain du think tank Monnaies en transition, groupe de réflexion qui tente, pour les élections présidentielles de faire entendre leurs idées.

Selon le think tank, il faudrait étendre les prérogatives de la monnaie locale pour lui permettre d’avoir un plus grand impact sur le développement économique des territoires concernés. Ils proposent par exemple « d’intégrer dans le budget des collectivités le principe de monnaies complémentaires en valorisant les ressources citoyennes : bénévolat, échange de prestations, services civique ». Cette mesure permettrait de percevoir les prestations sociales en monnaie locale afin de créer « non seulement du capital social mais aussi du capital économique ».

Autant de propositions intéressantes qui, à quelques jours du premier tour des élections,  semble malheureusement, passer sous silence.




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