SenseMaking
 



Hervé Sérieyx : Aux actes citoyens – de l’indignation à l’action


Mardi 12 Juin 2012



Actuellement associé-conseil du groupe canadien CFC, Hervé Sérieyx est également vice-président de l’Union des Groupements d’Employeurs de France. Enseignant à l’Institut Européen des Affaires ainsi qu’à l’École des Mines, il est un observateur attentif du monde entrepreneurial, associatif, administratif et universitaire. Auteur de nombreux ouvrages, son dernier livre – coécrit avec André-Yves Portnoff – a été l’occasion d’exposer une réflexion personnelle et critique sur le mouvement des indignés qui a parcouru les pays développés à partir de l’année 2010. À travers les lignes d’Aux actes, citoyens – de l’indignation à l’action(1) paru aux Éditions Maxima, Hervé Sérieyx lance à tous ses lecteurs une invitation à agir de façon pragmatique pour faire progresser leur environnement immédiat.



Hervé Sérieyx : Aux actes citoyens – de l’indignation à l’action

SenseMaking : En quoi le mouvement international des indignés vous apparaît-il comme fondamentalement différent des formes historiques de contestation sociale ?

Hervé Sérieyx: D’abord, c’est un mouvement qui a pris comme un feu de brousse sur la planète entière en très peu de temps.

Ensuite, il a été déclenché par un livre assez insignifiant – que des millions de personnes ont acheté  alors que peu de gens l’ont lu –, mais avec un titre explosif qui entrait en résonance avec un puissant sentiment de dignité bafouée ; pour des raisons différentes : des régimes autoritaires, du chômage,  des diplômes qui ne mènent à rien, la crise de l’euro, Wall Street, les injonctions du FMI.

Enfin, c’est la première fois que le pouvoir horizontal du web2.0 et des réseaux sociaux a manifesté sa capacité immédiate de mobilisation sociétale.

SenseMaking : La jeunesse d’aujourd’hui vous apparaît-elle vraiment différente de celle d’hier ?

H.S.: Platon écrivait déjà dans « Le banquet » que les jeunes ne respectent pas les anciens : il y a donc de considérables invariants d’une jeunesse à l’autre.

Mais ce qui fait que « les jeunes ne sont pas nous en moins vieux »,  c’est que nous leur avons transmis très peu de repères. La fin des grandes idéologies et des religions en tant que morale collective, la consommation comme ultime but de l’existence, le très médiocre exemple que nous donnons dans l’échec de nos politiques publiques et le laxisme de nos vies privées ne font plus de nous des modèles. En parallèle, le monde qui s’ouvre devant eux est à la fois plus multiple – sous l’effet de la mondialisation, du web 2.0 et de l’échange permanent et sans limites –, plus incertain, plus permissif et plus dangereux : il y a moins de boussoles,  plus de chemins possibles et plus de risques.

SenseMaking : Au-delà de l’heureux exemple de la révolution tunisienne de 2011, le pouvoir d’action conféré aux masses par Internet n’est-il pas porteur de dérives ?

H.S.: C’est un pouvoir de remise en cause, un pouvoir de contestation ; il est extrêmement puissant, mais il semble peu capable de construire. Face à ce pouvoir horizontal, le pouvoir vertical, hiérarchique, semble seul capable de construire un projet, un ordre, de la durée. Que ce soit au sein des organisations publiques ou privées comme des États démocratiques, l’un des grands défis de demain sera d’imaginer comment conjuguer ces deux pouvoirs, l’horizontal qui conteste et le vertical qui construit.

SenseMaking : L’indignation ne suffit pas. Vous préconisez donc l’action. Pourquoi avoir retenu quatre domaines d’action dans votre livre ?

H.S.: Il nous a semblé que l’École où la Société prépare sa suite, que les collectivités territoriales où la démocratie de terrain et la puissance publique proche animent les différents acteurs pour produire plus de bien commun et que les entreprises qui créent la valeur ajoutée nécessaire pour se payer les deux autres acteurs constituaient des champs privilégiés pour l’exercice de la citoyenneté. Le champ du web 2.0 ouvre de nouvelles perspectives. Mais naturellement, cela n’épuise pas les domaines où il nous revient d’être citoyens.

SenseMaking : Quels exemples vous viennent immédiatement en tête lorsque vous pensez à des citoyens qui sont déjà dans la dynamique décrite par votre livre ?

H.S.: C’est évidemment dans l’Économie sociale, le monde des associations et le bénévolat que s’exprime le plus naturellement l’attitude citoyenne. Mais c’est précisément pour rappeler que c’est dans tous les autres mondes – administratifs, productifs, éducatifs, sanitaires, familiaux – c'est-à-dire dans notre vie quotidienne qu’il nous revient de contribuer au bien commun que nous avons écrit ce livre : être citoyen c’est une attitude permanente en démocratie ou bien celle-ci produit de la jungle.


(1) SERIEYX, H., PORTNOFF, A.Y., Aux Actes citoyens – De l’Indignation à l’action, 2011, Maxima, 279 pp..










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