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"L’accompagnement des malades au travail ne peut qu’être bénéfique pour l'entreprise"


La Rédaction
Vendredi 29 Janvier 2016



Au sein de l'entreprise, l'accompagnement des salariés vivant avec une maladie chronique reste taboue. Et les conséquences humaines, sociales et économiques sont importantes pour les entreprises, d'autant que le nombre de salariés atteints de maladies chroniques ne cesse d'augmenter. Marie-Christine Oghly, Co –Présidente du Fonds de dotation CAP SANTE ENTREPRISE appelle les entreprises à relever le défi. Car des solutions existent.Entretien.



"L’accompagnement des malades au travail ne peut qu’être bénéfique pour l'entreprise"

Les personnes atteintes de maladies chroniques sont de plus en plus nombreuses. Quelles sont les conséquences humaines, sociales et financières de ce phénomène ?

Les conséquences humaines et sociales sont multiples et il serait difficile d’en dresser une liste qui serait en tout état de cause réductrice.Citons pour l’essentiel, en cas de diminution physique, le poids du regard des siens, des proches et des autres, et, en cas de traitement lourd le handicap lié aux effets secondaires de ces traitements (ou de leur absence). Il y a toujours des conséquences sociales à la dépendance des autres.

Sur le plan financier, nous savons que les maladies chroniques, notamment invalidantes peuvent entraîner des conséquences considérables sur le plan de l’emploi, tant pour le maintien que pour le retour à l’emploi.
Si on y ajoute les problèmes d’éclatements potentiels au niveau familial….
 
 

Quels sont aujourd’hui les obstacles rencontrés par un salarié atteint de maladie chronique ?

Toute maladie chronique entraîne des contraintes dont la liste, encore ici, ne peut être exhaustive. Citons notamment les réalités de la maladie pour le salarié touché : des limitations fonctionnelles, des problèmes émotionnels, des difficultés éventuelles de concentration et de mémoire, des changements de priorité de vie, des interactions possiblement négatives avec les collègues et les employeurs, etc.
 

Force est de constater que les entreprises restent peu impliquées, ou du moins peu audibles, sur ces questions. Vous parlez même d’un « tabou à lever ». Pourquoi ?

La maladie fait partie de la sphère privée. Elle se traduit par un sentiment de fragilisation dans des environnements souvent de compétition, où l’entreprise elle-même est de façon constante soumis à des impératifs de compétitivité.
De plus la maladie et son cortège de traitements relèvent aussi souvent de la sphère intime.

Il n’empêche que si les entreprises restent peu impliquées, elles savent « intuitivement » que l’accompagnement des proches de malades au travail et des malades eux-mêmes ne peut qu’être bénéfique pour elles.Des études l’ont démontré, reste à le faire savoir en accompagnant cette communication d’un savoir-faire sur la durée.
 

Concrètement comment favoriser le maintien dans l’emploi et l’épanouissement des salariés atteints de maladies chroniques ?

En maintenant le salarié dans une dynamique professionnelle, en expliquant et en formant les équipes sur le comportement que l’on doit avoir face à un collègue de travail atteint d’une pathologie lourde, en impliquant au plus haut niveau l’entreprise en faisant de cet objectif un véritable projet d’entreprise, et surtout en communiquant le plus largement possible sur ce sujet, nous pourrons non seulement conforter le maintien dans l’emploi mais également le retour à l’emploi.
Mais cela suppose des études d’impact qui, par définition, ne peuvent se faire que dans la durée et de façon active, accompagnées d’une méthode pertinente.
 

Pourriez-vous nous détailler le programme mis en place par Cap Santé Entreprise destiné à l’accompagnement des personnes atteintes de maladies chroniques ?

Le programme CAP SANTE ENTREPRISE est en quelque mots le suivant : suite à un engagement de la direction sur le projet d’entreprise présenté, il est procédé à un diagnostic sur la perception de la maladie chronique dans l’entreprise auprès de l’ensemble des employés. Par le biais d’un questionnaire entièrement anonyme et confidentiel. Ce questionnaire porte sur trois axes : la position de l’entreprise pressentie par le salarié malade, la perception par les collègues et enfin par le salarié malade lui-même.Ensuite, une restitution de ce diagnostic est effectuée. Après recensement des dispositifs existants, auxquels de nouveaux dispositifs peuvent être proposés, l’ensemble doit faire l’objet d’une coordination qui ne doit pas être dispensé de façon séparée sans interactivité entre eux.
Des modules d’évaluation sont mis en place et 24 à 36 mois plus tard un nouveau diagnostic permettant d’évaluer les écarts de comportement est effectué, afin d’établir les axes d’améliorations.
 

Cet engagement des entreprises sur les questions de santé est-il incontournable dans le contexte de la RSE ?

Je reprendrais un extrait paru dans le site ateliersdurables.com qui indique que « c’est le sens de la RSO (responsabilité sociétale des organisations) de porter une vision d’avenir positive qui oriente managers et salariés vers des objectifs concrets à la fois d’amélioration de la qualité du service et des conditions de travail ». D’où la mise en place d’un dispositif original d’ateliers dits Altiers Durables qui s’appuient sur l’expertise des managers en matière de RSE et de Santé au travail. A ce titre, en 2014 la CRAMIF a mené une démarche dont l’un des objectifs de cadrage était : Faire passer les managers d’une compréhension du développement durable axée sur les eco-gestes au bureau à une vision globale des enjeux de la RSO qui englobe les questions de santé. La réponse est donc oui si on veut élargir le champ de la RSE.
 

PDG d'EnginSoft France, structure spécialisée dans la distribution de logiciels techniques, le consulting et la formation dans le domaine de l’ingénierie et de la simulation numérique, Marie-Christine Oghly est vice-présidente du Pôle International/Europe du MEDEF, vice-présidente mondiale des Femmes Chefs d'Entreprise, une organisation présente dans 70 pays.
Elle préside le Club des Femmes de l’Economie dont la vocation et de mettre en valeur et encourager l’entrepreneuriat au féminin.  
Marie-Christine Oghly est Chevalier dans l’Ordre National du Mérite et Chevalier dans l’Ordre National de la Légion d’Honneur.    

 




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