Une implication ancienne
Juvénal Habyarimana a établi son pouvoir au Rwanda par un coup d’État en 1973. Au début des années 90, son armée et le pouvoir Hutu se trouvent en difficulté face au FPR (Front patriotique rwandais). Ce groupe rebelle est en majorité composé de Tutsis qui ont fui le Rwanda pour l’Ouganda à cause des pogroms et de la discrimination institutionnalisée du gouvernement Hutu.
Le président rwandais fait donc appel à la France, le président Mitterrand ordonne alors à son chef d’États Major l’envoi d’une mission. Ce sera le début de l’opération Noroit qui va durer du 4 octobre 1990 à décembre 1993. Cette force réduite, jamais plus de trois compagnies, va participer à des missions de soutien, d’entraînement et même parfois de combat au profit des FAR (l’armée rwandaise). La présence française va arrêter la progression du FPR et obliger les deux parties à négocier. Cela aboutit un an après, en 1993, aux accords d’Arusha qui prévoient une intégration politique du FPR. Ce texte ne passe pas chez les extrémistes Hutus comme le ministre de la Défense qui partira en disant « je vais préparer l’apocalypse ». Habyarimana est tué le 6 avril lorsque son avion présidentiel en approche sur Kigali est abattu par des missiles sol-air. La même nuit, deux gendarmes français en possession d’un matériel d’écoute radio seront tués et on conseillera à leurs familles de ne pas chercher à en savoir plus…
Le massacre des Tutsis commence dès le 7 avril au matin. La mort du président Habyarimana sert de catalyseur au génocide prévu par les extrémistes Hutus qui accusent le FPR d’être responsable de l’attentat. Les appels à « faire tomber les grands arbres » (les Tutsis) sont relayés par la radio des mille collines. Les génocidaires sont encadrés et aidés par l’armée régulière et particulièrement la garde présidentielle. Devant le chaos qui commence à embraser le Rwanda, les pays occidentaux cherchent à évacuer rapidement leurs citoyens.
Opération Amaryllis
Cette opération qui dure du 8 au 14 avril 1994 a pour but d’évacuer les 1400 Français et Occidentaux présents dans le pays. Elle est toujours source de nombreux questionnements. Le premier avion qui décolle de Kigali comporte sur 152 évacués : 12 membres de la famille Habyarimana dont la femme du défunt président et 97 enfants d’un orphelinat proche de celle-ci. L’ambassade de France à Kigali embauchait 72 Rwandais, dont des Tutsis, sur ce total un seul salarié ainsi que sa famille ont été évacués alors que 19 personnes restées sur place ont trouvé la mort. Les archives de l’ambassade ont aussi été détruites par les soldats français…
Le supergendarme
Un personnage particulièrement central de l’affaire rwandaise a été l’ex-gendarme du GIGN Paul Barril. D’abord très apprécié au point de rentrer au sein de la cellule antiterroriste de l’Élysée il tombe en disgrâce à la suite d’affaires douteuses. Paul Barril va entrer au service du président rwandais vers 1990, il sera chargé d’apporter des renseignements sur le FPR pour le gouvernement.
Le plus trouble est sa présence sur le territoire rwandais entre le 7 et 27 avril 1994, au début du génocide. Officiellement il enquête sur l’attentat qui a tué le président Habyarimana, mais il aurait participé à d’autres actions dont l’approvisionnement en armes et munitions, le recrutement de mercenaires et l’entraînement d’une force d’élite. Cette opération a pour nom de code « insecticide », dans un contexte où l’on nommait les Tutsis des « cafards ».
Il a laissé entendre à plusieurs reprises qu’il était en service pour la France au Rwanda, mais il faut tempérer ses propos, car on lui connaît une forte propension à l’affabulation. Pourtant on peut s’interroger sur les liens que la France aurait pu avoir avec cet homme très bien implanté au sein du clan présidentiel.
Turquoise
L’opération « militaro-humanitaire » est toujours entourée de mystères. Lancée le 22 juin 1994 son but officiel était de mettre fin aux violences et au génocide ainsi que de sécuriser les camps de réfugiés présents dans l’ex-Zaïre. Pourtant des témoignages laissent à penser que d’autres objectifs moins avouables faisaient partie de la mission. Des militaires français de Turquoise ont été aperçus au sud du pays, loin de la zone de conflit. Il y a aussi les mystérieuses livraisons de caisses de transport d’arme (sans que la cargaison exacte soit connue) sur l’aéroport de Goma en ex-Zaïre. Là était la base d’opération de la force turquoise et entièrement sous son contrôle. Ces caisses n’étaient pas à destination des forces françaises, mais la hiérarchie ne pouvait en aucun cas ignorer leurs présences.
Le cas connu le plus grave qui met en cause la France directement est le drame de Bisesero. C’est le nom d’une région du Rwanda très vallonnée qui se trouve à proximité du lac Kivu. Elle a été le lieu d’un massacre qui aurait pu être évité. Le 27 juin, une patrouille de Turquoise arrive dans la région et trouve des survivants Tutsis, mais elle doit se replier vers sa base. Pendant les trois jours qui suivent, les tirs ne cessent dans la montagne. La hiérarchie qui est informée ne répondra jamais. Certains soldats y retourneront sans ordres et sauveront les derniers 800 Tutsi de la région, ils étaient encore 2000 trois jours auparavant et 50 000 au début du génocide…
L’initiative du président Macron est donc la bienvenue, car la France se devait d’ouvrir ses archives pour que la vérité sur son implication dans ce désastre soit connue de tous.
Juvénal Habyarimana a établi son pouvoir au Rwanda par un coup d’État en 1973. Au début des années 90, son armée et le pouvoir Hutu se trouvent en difficulté face au FPR (Front patriotique rwandais). Ce groupe rebelle est en majorité composé de Tutsis qui ont fui le Rwanda pour l’Ouganda à cause des pogroms et de la discrimination institutionnalisée du gouvernement Hutu.
Le président rwandais fait donc appel à la France, le président Mitterrand ordonne alors à son chef d’États Major l’envoi d’une mission. Ce sera le début de l’opération Noroit qui va durer du 4 octobre 1990 à décembre 1993. Cette force réduite, jamais plus de trois compagnies, va participer à des missions de soutien, d’entraînement et même parfois de combat au profit des FAR (l’armée rwandaise). La présence française va arrêter la progression du FPR et obliger les deux parties à négocier. Cela aboutit un an après, en 1993, aux accords d’Arusha qui prévoient une intégration politique du FPR. Ce texte ne passe pas chez les extrémistes Hutus comme le ministre de la Défense qui partira en disant « je vais préparer l’apocalypse ». Habyarimana est tué le 6 avril lorsque son avion présidentiel en approche sur Kigali est abattu par des missiles sol-air. La même nuit, deux gendarmes français en possession d’un matériel d’écoute radio seront tués et on conseillera à leurs familles de ne pas chercher à en savoir plus…
Le massacre des Tutsis commence dès le 7 avril au matin. La mort du président Habyarimana sert de catalyseur au génocide prévu par les extrémistes Hutus qui accusent le FPR d’être responsable de l’attentat. Les appels à « faire tomber les grands arbres » (les Tutsis) sont relayés par la radio des mille collines. Les génocidaires sont encadrés et aidés par l’armée régulière et particulièrement la garde présidentielle. Devant le chaos qui commence à embraser le Rwanda, les pays occidentaux cherchent à évacuer rapidement leurs citoyens.
Opération Amaryllis
Cette opération qui dure du 8 au 14 avril 1994 a pour but d’évacuer les 1400 Français et Occidentaux présents dans le pays. Elle est toujours source de nombreux questionnements. Le premier avion qui décolle de Kigali comporte sur 152 évacués : 12 membres de la famille Habyarimana dont la femme du défunt président et 97 enfants d’un orphelinat proche de celle-ci. L’ambassade de France à Kigali embauchait 72 Rwandais, dont des Tutsis, sur ce total un seul salarié ainsi que sa famille ont été évacués alors que 19 personnes restées sur place ont trouvé la mort. Les archives de l’ambassade ont aussi été détruites par les soldats français…
Le supergendarme
Un personnage particulièrement central de l’affaire rwandaise a été l’ex-gendarme du GIGN Paul Barril. D’abord très apprécié au point de rentrer au sein de la cellule antiterroriste de l’Élysée il tombe en disgrâce à la suite d’affaires douteuses. Paul Barril va entrer au service du président rwandais vers 1990, il sera chargé d’apporter des renseignements sur le FPR pour le gouvernement.
Le plus trouble est sa présence sur le territoire rwandais entre le 7 et 27 avril 1994, au début du génocide. Officiellement il enquête sur l’attentat qui a tué le président Habyarimana, mais il aurait participé à d’autres actions dont l’approvisionnement en armes et munitions, le recrutement de mercenaires et l’entraînement d’une force d’élite. Cette opération a pour nom de code « insecticide », dans un contexte où l’on nommait les Tutsis des « cafards ».
Il a laissé entendre à plusieurs reprises qu’il était en service pour la France au Rwanda, mais il faut tempérer ses propos, car on lui connaît une forte propension à l’affabulation. Pourtant on peut s’interroger sur les liens que la France aurait pu avoir avec cet homme très bien implanté au sein du clan présidentiel.
Turquoise
L’opération « militaro-humanitaire » est toujours entourée de mystères. Lancée le 22 juin 1994 son but officiel était de mettre fin aux violences et au génocide ainsi que de sécuriser les camps de réfugiés présents dans l’ex-Zaïre. Pourtant des témoignages laissent à penser que d’autres objectifs moins avouables faisaient partie de la mission. Des militaires français de Turquoise ont été aperçus au sud du pays, loin de la zone de conflit. Il y a aussi les mystérieuses livraisons de caisses de transport d’arme (sans que la cargaison exacte soit connue) sur l’aéroport de Goma en ex-Zaïre. Là était la base d’opération de la force turquoise et entièrement sous son contrôle. Ces caisses n’étaient pas à destination des forces françaises, mais la hiérarchie ne pouvait en aucun cas ignorer leurs présences.
Le cas connu le plus grave qui met en cause la France directement est le drame de Bisesero. C’est le nom d’une région du Rwanda très vallonnée qui se trouve à proximité du lac Kivu. Elle a été le lieu d’un massacre qui aurait pu être évité. Le 27 juin, une patrouille de Turquoise arrive dans la région et trouve des survivants Tutsis, mais elle doit se replier vers sa base. Pendant les trois jours qui suivent, les tirs ne cessent dans la montagne. La hiérarchie qui est informée ne répondra jamais. Certains soldats y retourneront sans ordres et sauveront les derniers 800 Tutsi de la région, ils étaient encore 2000 trois jours auparavant et 50 000 au début du génocide…
L’initiative du président Macron est donc la bienvenue, car la France se devait d’ouvrir ses archives pour que la vérité sur son implication dans ce désastre soit connue de tous.