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Bernard Lahire : un programme scientifique à destination des Sciences Humaines


Lundi 16 Juillet 2012



Éminent sociologue français issu de l'École Normale Supérieure, Bernard Lahire est un spécialiste des questions sociales liées à l'éducation. Son dernier livre dépasse néanmoins les cadres de la seule sociologie de l'apprentissage pour proposer au lecteur une brillante recherche portant sur l'épistémologie des sciences sociales. Monde Pluriel – Penser l'unité des sciences sociales constitue ainsi essai qui ramène l'auteur et ses lecteurs aux racines de la démarche sociologique et des Humanités : la compréhension de l'Homme.



Bernard Lahire : un programme scientifique à destination des Sciences Humaines
Avec Monde Pluriel, Bernard Lahire revient à la source des sciences humaines. Propulsées par la naissance de la sociologie au XIXe siècle, les Humanités expliquent l'auteur partage toute une seule et même vocation : «  comprendre pourquoi des individus particuliers […] ou des groupes sociaux […] font ce qu'ils font, pensent ce qu'ils pensent, sentent ce qu'ils sentent, disent ce qu'ils disent ». Toute Science Humaine constitue donc une démarche méthodiquement organisée et orientée en vue de la compréhension de l'homme.
 
La diversité des démarches est grande et Bernard Lahire en dresse d'ailleurs un panorama dans son premier chapitre. Les Humanités cherchent à comprendre l'homme et ses « pratiques » à travers le prisme de son « passé » et du « contexte d'action présent. Les différentes sciences humaines, de la sociologie à la psychologie en passant par l'histoire, ne se penchent cependant pas avec la même insistance sur ces deux variables et il en résulte donc des méthodes et des démarches scientifiques multiples.
 
Si ces démarches sont multiples, il revient toutefois à Bernard Lahire de souligner leur caractère concordant. Le thème de leurs études est propre à chaque matière : la production scientifique d'une Humanité prise isolément n'a ainsi pas la vocation, et encore moins la capacité, de s'ériger en modèle explicatif universel. Pour Bernard Lahire, il est donc souhaitable de toujours « se demander de quoi précisément [les théories] nous parlent et appréhender ce dont elles ne nous parlent pas ». En revanche selon l'auteur, la combinaison de ces théories peut tendre vers l'érection d'un modèle explicatif universelle.
 
C'est en effet l'avis de Bernard Lahire qui s'en explique au cours de ses deux derniers chapitres. L'auteur voit en effet dans le croisement des connaissances issues de différentes disciplines scientifiques l'origine du progrès des Sciences Humaines ; chaque connaissance constituant « des aspects ou des parties d'un programme plus général consistant à rendre raison des pratiques sociales ».
 
Au-delà de son développement sur la nature de l'effort scientifique, Monde Pluriel constitue un véritable œuvre programmatique et un appel en faveur de la multidisciplinarité. En ce sens le dernier ouvrage de Bernard Lahire recouvre aussi une dimension politique portant sur l'apprentissage des sciences et de leur pratique. Le développement prend ainsi un tour finalement naturel pour l'auteur dont l'étude est largement dédiée à l'éducation.
 
Monde pluriel – Penser l'unité des sciences sociales est un ouvrage finement conçu : rédigé dans la plus grande clarté et la plus grande rigueur, il présente une observation détaillée du travail scientifique des différentes Humanités. Mettant en avant leur diversité, leur spécialisation aussi inévitable que justifiée pour des raisons matérielles et d'efficacité, Bernard Lahire présente également le caractère par essence concordant des Sciences Humaines. L'ayant démontré, l'ouvrage prend naturellement une dimension politique : fort de ses constats, Bernard Lahire, auteur, chercheur et pédagogue,  témoigne d'un engagement scientifique original en faveur de la multidisciplinarité. C'est d'ailleurs en toute logique qu'il trouve une définition des figures des Sciences Humaine : « c'est parce qu'ils étaient davantage préoccupés par la construction scientifique pertinente de leur objet que par le respect des frontières disciplinaires qu'ils ont pu faire progresser, chacun à leur façon, les sciences humaines et sociales ». Un jugement audacieux et pourtant redoutablement pertinent.

 

(1)LAHIRE, B., Monde pluriel – Penser l'unité des sciences sociales, Paris, 2012, Seuil, Couleur des idées.










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