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De Boeck Supérieur : l'économie, c'est pop!

Entretien avec Jean-François Caulier, directeur de la collection Pop Economics


Vendredi 25 Mars 2016



Allergique aux équations et au jargon économique? Voici la collection que vous attendiez! Les éditions De Boeck Supérieur viennent de lancer "Pop Economics", qui rassemble des ouvrages présentant les grands principes économiques de manière divertissante. Curieux?Jean-François Caulier, le directeur de collection, nous en dit plus. Une rencontre rafraichissante à l'image du premier ouvrage de la collection, "Pensez comme un freak" de Steven Levitt et Stephen Dubner.



Jean-François Caulier
Jean-François Caulier

Le grand public est encore réticent à se saisir de thématiques réputées (trop) sérieuses, voire complexes, comme l'économie ou les mathématiques. Comment l'expliquez-vous?

Les mathématiques sont une discipline abstraite qui semble être réservée aux spécialistes, alors que tout le monde peut parler d’économie, hélas les spécialistes en la matière sont rarement d’accord entre eux et les sujets abordés ne sont jamais très réjouissants.  La plupart des gens sont confrontés à ces deux thématiques principalement durant leur scolarité et, concernant l’économie, dans les médias. Les mathématiques enseignées à l’école sont souvent à l’origine de traumatisme ou de sentiment d’échec pour l’élève. Il s’agit d’une discipline utilisant l’abstraction pour développer son mode de raisonnement, ce qui n’est pas forcément naturel pour l’homme.

Comme le dit Cédric Villani, qui a reçu la médaille Fields en 2010, depuis le temps qu’on enseigne les maths, il est étonnant que l’on n’ait toujours pas trouvé la bonne façon de faire. Le sérieux rattaché à l’économie s’explique autrement. Demandez à n’importe qui ce qu’est l’économie selon elle ou lui, vous obtiendrez comme réponse que c’est le monde de la finance, des banques, des marchés boursiers et aussi celui des grands agrégats macroéconomiques que tentent de maîtriser les hommes politiques : chômage, inflation, PIB … rien qui ne puisse être traité avec légèreté. Le monde politique nous assène depuis les années 70 que nous sommes en période de crise, sous-entendu de crise économique. Le caractère anxiogène des mathématiques a plus trait au fait que cette discipline soit utilisée comme outils de sélection des meilleurs candidats, mais pour l’économie, c’est parce qu’on l’associe trop souvent au mot « crise ».

"POP Economics" entend "réveiller l'économiste qui sommeille en nous". Pourriez-vous nous nous en dire plus sur le défi que s'est lancé De Boeck Supérieur?

Dans le milieu académique, seule une certaine proportion d’économistes travaille réellement sur les agrégats macroéconomiques. D’autres étudient plutôt la microéconomie, c’est-à-dire le comportement d’un agent pris isolément, plongé dans un environnement particulier. L’environnement est important, car c’est lui qui va guider le comportement de l’individu. L’hypothèse étant que l’agent cherche à obtenir sa meilleure satisfaction étant donné les moyens dont il dispose. C’est une manière tout à fait particulière de voir les choses, qui est parfois décriée pour son manque de réalisme.

Et pourtant, rien qu’avec ce principe simple, on peut déjà expliquer pas mal de choses que l’on observe. Si le prix des pommes augmente, les gens achèteront plus de poires ; si le prix du carburant augmente, les gens rouleront moins. Le prix sert ici de signal guidant le comportement des individus. L’économiste part du principe que les gens répondent aux incitations. Par exemple, si vous savez que telle route dispose d’un radar ou d’un ralentisseur, vous essayerez d’emprunter une autre route pour arriver à destination. Or, les incitations ne sont pas toujours aussi visibles ou directes. Réveiller l’économiste qui est en nous, c’est cela, essayer de comprendre quelle explication non forcément visible peut bien expliquer tel phénomène. C’est essayer de découvrir le mécanisme sous-jacent, ce qui se cache en dessous.

La collection existe déjà en langue anglaise. Pourquoi créer une nouvelle version française?

Ce n’est pas une collection à proprement parler, il s’agit en fait d’un sous-genre littéraire appelé « pop-economics », principalement outre-Atlantique, avec également quelques auteurs britanniques.  Bizarrement, en langue française, il n’y a (presque) pas d’auteur(s) abordant de la sorte autant de différents thèmes, autant macro que micro. Les ouvrages de vulgarisation en économie portent quasi systématiquement sur les grands thèmes macroéconomiques habituels, qui ont fait que économie soit rattaché à crise.

La traduction de Freakonomics (Levitt/Dubner) a jeté un premier caillou dans la marre. Enfin un ouvrage proposant la vision d’économistes sur des sujets plus légers, mais sur d’autres plus graves également. Les auteurs adoptant la même démarche dans leurs ouvrages ne sont pas réunis au sein d’une même collection ou d’une même maison d’édition, encore moins traduits systématiquement en français. Il nous paraissait donc opportun de permettre aux lecteurs ayant apprécié Freakonomics d’avoir accès à ces autres ouvrages et de les rassembler dans une même collection pour faciliter leur découverte.

Le premier ouvrage de la collection Pop Economics
Le premier ouvrage de la collection Pop Economics

Un premier ouvrage intitulé "Pensez comme un freak" vient de paraître. Que signifie "penser comme un freak"?

Un Freak est un fou, un marginal, quelqu’un de déjanté, mais dans le bon sens de ces termes. C’est quelqu’un qui va oser poser une question soit idiote à première vue – sans rapport évident -, soit provocante. Il s’agit de laisser ses préjugés de côté (mieux vaut-il conduire ou marcher sous emprise d’alcool ?), oser aller à contre-courant (manger bio est un danger pour l’environnement) et même parfois choquer (quelle est la rationalité d’un comportement raciste ?). Tous ces livres présentent des histoires, anecdotes sous l’œil « freak » de ces économistes.

Les futurs ouvrages adopteront-ils également ce style décalé et ludique?

Bien entendu, tous les ouvrages ne traiteront pas que de « microéconomie » au sens large. Certains ouvrages de la collection abordent la question de la monnaie, de la croissance, de la mesure du chômage, etc. Certains seront plus orientés sociologie, psychologie, ou même de business ; mais toujours de façon différente (notamment pour le business, un livre risque fort de surprendre ! ) et surtout, en évitant le recours systématique au jargon ou équations !

Vous êtes docteur en sciences économiques et de gestion et enseignez notamment à l'Université Paris1 Panthéon-Sorbonne. Avez-vous adopté (dans une certaine mesure) cette approche vis-à-vis de vos élèves?

Bien sûr ! Dans une certaine mesure, comme vous le dites. Enseigner l’économie de manière classique, en présentant les modèles formalisés, ne donne pas spécialement envie aux étudiants de se précipiter au rayon économie de la librairie voisine à la sortie des cours, pour de toute façon n’y trouver que des ouvrages anxiogènes, pessimistes. Chaque fois que j’en ai l’occasion, j’illustre tel ou tel thème abordé au moyen d’une petite histoire. Si elle peut choquer, les étudiants la retiendront d’autant mieux et assimileront bien mieux le concept évoqué. J’ai donc essayé de rassembler au sein de cette collection les ouvrages qui m’ont servi de source d’inspiration lorsque je racontais ces histoires.

Toujours curieux? Rendez-vous ici pour en savoir plus
La logique cachée de la vie. L'économie explique-t-elle tous nos comportements? de Tim Harford est à paraitre en avril prochain




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