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Du processus de radicalisation


IOLE DE ANGELIS
Lundi 15 Juillet 2019



De jeunes Français sont partis rejoindre les rangs de DAESH, Al-Qaïda et d’autres organisations extrémistes. Or, comme la vie en France n’est pas si difficile, la question du « pourquoi partir dans des contrées en guerre » se pose tout naturellement.



Du processus de radicalisation

La réponse s’articule autour de la situation personnelle du futur radicalisé et de ses besoins.

Cibler les faiblesses

Depuis toujours, les groupes terroristes sont des associations qui se caractérisent par une idéologie radicalisée, tout comme les sectes ainsi que certains extrémismes politiques.
Quand on regarde l’environnement social et économique, il n’y a pas de discriminant dans les recrues : riches et pauvres rentrent dans des groupes radicalisés. En réalité, ce qui caractérise le point commun des personnes qui intègrent ce type de groupe est un fort besoin d’appartenance qui naît d’une situation personnelle difficile caractérisée par la solitude, le rejet, un entourage qui semble ne pas comprendre, etc. Il n’est pas rare qu’après un deuil, des personnes reçoivent des sollicitations de la part de groupes religieux qui cherchent des prosélytes.

Les jeunes et les personnes entre 40 et 60 ans sont les plus vulnérables. Les premiers sont à la recherche de la vérité, de la spiritualité, de notions claires du bien et du mal et ils sont plus ouverts aux nouvelles idées. Les seconds, en revanche, commencent à perdre les personnes de leurs familles et font le point sur leur vie. Ce peut être le temps des regrets. À tout ceci, il faut rajouter le besoin de protagoniste qui caractérise notre société moderne.

L’entourage compte également et la démarche peut être progressive. Une connaissance les a invités à telle ou telle réunion, ils ont lu et discuté sur Internet avec d’autres, en réalité des recruteurs, et à force d’échanges se retrouvent manipulés et embrigadés.

Recrutement et fidélisation

Dans le recrutent de prosélytes, on peut distinguer quatre grandes phases : l’approche, la séduction, la persuasion et l’aliénation. En effet, pour convaincre il faut présenter les sujets sous le meilleur angle. Cela vaut en particulier, lors du recrutement des jeunes femmes, car il faut bien des épouses pour les terroristes. Les recruteurs de DAESH mettront en exergue les enfants qui souffrent à cause de la guerre et le bienfait d’avoir des infirmières pour  conforter et rassurer les « pauvres enfants victimes des Occidentaux ». Comme le message principal de l’éducation d’une femme est « fais plaisir » (« sois sage, ça va rendre heureuse maman », etc.), une femme, surtout si elle est jeune et sans expérience de la vie, sera très sensible à ce type de message.

Il est évident que le recruteur n’expliquera pas tout, tout de suite, à la jeune femme. Les obligations qui découlent de l’appartenance à un groupe islamiste radical sont de préférence présentées comme la voie de la perfection pour une femme. En d’autres termes, les messages suscitent la curiosité et exploitent les faiblesses de la cible (besoin de faire plaisir, échec scolaire, manque de respect et de reconnaissance, etc.).
En second lieu, le recruteur séduit la cible à travers des promesses et flatte l’interlocuteur ; il s’agit de lui faire miroiter l’espoir de résoudre ses problèmes : s’en sortir, être respecté, atteindre le bonheur, etc.  Le futur adepte est valorisé, il a d’importantes potentialités et capacités et, grâce à l’organisation, il pourra réaliser ses rêves. La vie sera dure mais le futur sera meilleur.

Dans la troisième phase, on inculque chez l’adepte un système de vérités simplifiées. Grâce à ces « vérités », le membre n’aura plus de doutes, il aura une réponse à toutes ses questions, des plus philosophiques (ex. ce qu’est l’homme, s’il existe un ou plusieurs dieux, etc.) aux plus pratiques (ex. quoi manger, comment faire ses besoins, etc.). L’organisation utilise différentes techniques de manipulation pour instiller la peur chez le candidat et l’éloigner de sa famille et de tout ce que pourrait lui permettre de raisonner en toute liberté. Par exemple, la confession publique a pour objectif de créer des scrupules afin de transformer sa conscience morale.

La dernière phase est l’aliénation, c’est-à-dire créer une confusion dans l’esprit du membre pour qu’il soit soumis à l’autorité.  Il s’agit de créer un conditionnement dérivant de l’ambiance, du semi-enfermement, d’un emploi du temps trop rempli, d’une nourriture pauvre et déséquilibrée, de la privation du sommeil, etc. Dans ces circonstances, l’adepte n’est plus en mesure d’analyser ou de prendre des décisions seul, ce qui explique pourquoi tuer ou torturer devient si facile. De plus, comme il sera obligé de se marier avec un autre adepte et à avoir des enfants, il lui deviendra impossible de partir seul avec des enfants qui plus est, formés pour espionner et dénoncer les parents qui ne suivent pas les règles imposées.

Des vies gâchées

Même si l’adepte réussit pour finir à quitter le groupe radicalisé, sa vie est tout de même détruite et il sera très compliqué de le réintégrer à la société, car l’individu a perdu les codes des interactions sociales libres. De plus, il a vécu des traumatismes et il est habité par un sentiment de haine / honte d’avoir été manipulé.
Déradicaliser quelqu’un est un processus compliqué et long, aussi est-il toujours préférable de prévenir la radicalisation quand cela est encore possible. Le meilleur moyen est encore la proximité, l’information et la sensibilisation.

Cela nous évoque un aphorisme du marquis de Hölderlin « ce qui fait de l’État un enfer, c’est que l’homme essaie d’en faire un paradis », en écho à l’URSS stalinienne, avec ses presque 20 millions de morts, décrite par la propagande comme le « paradis des travailleurs ».










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