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Jean-Claude Piris brosse le visage de l'Europe de demain


Jeudi 4 Octobre 2012



Dans un ouvrage empreint de culture juridique, Jean-Claude Piris développe sa vision de l'avenir de l'Europe. The Future of Europe(1) recèle en effet des connaissances et des analyses de cet ancien directeur général du Service juridique du Conseil européen. Afin d'en donner une vision perspective, Jean-Claude Piris fait ainsi un diagnostic fin des institutions communautaires efficacement complétées par son expérience pratique de ces dernières.



Jean-Claude Piris brosse le visage de l'Europe de demain
Jean-Claude Piris dispose d'une sensibilité aiguisée au fonctionnement des institutions européennes, et ce pour une raison simple : il a largement contribué à leur donner leur forme actuelle. En tant que jurisconsulte des Conférences intergouvernementales, il a en effet participé à la négociation des traités de Maastricht, d'Admsterdam, de Nice, mais aussi plus récemment à celle du traité de Lisbonne. L'auteur revient sans concession sur ces traités et leurs insuffisances : d'après lui en effet il faudra plus à l'Europe que ces textes pour dépasser l'impasse dans laquelle elle se trouve, tant au niveau de la gouvernance que du renouvellement de ses politiques publiques.
 
Partant de ce constat étayé de son expérience de juriste, Jean-Claude Piris envisage l'évolution du projet européen selon quatre éventualités. La première partirait d'une refonte des différents traités européens. Mais l'auteur l'écarte avançant que, parmi les principaux pays dont le concours à une telle démarche sera indispensable, la France ou encore la Grande-Bretagne s'opposerait à l'intégration des institutions.
 
Le second scénario repose sur la promotion de régime juridique différencié entre les pays membres. Comme l'explique Jean-Claude Piris, les institutions européennes sont d'ores et déjà parcourues d'une tendance forte à la différenciation des statuts des pays membres : du marché unique à l'euro en passant par la fondation même de la Communauté européenne, la diversité des niveaux d'intégration des États membres à ces projets européens est telle qu'il serait envisageable d'en faire un outil de gouvernance aujourd'hui. Reconnaître « l'Europe à deux vitesses » et la diversité des statuts des États leur permettrait ainsi d'engager des projets politiques en fonction de leur capacité au sein de la communauté. C'est d'ailleurs l'option qui a le plus de chance de se réaliser selon Jean-Claude Piris.
 
L'auteur donne deux déclinaisons de cette possibilité. Le troisième avenir envisagé par l'auteur suppose ainsi l'avènement d'une Europe à plusieurs vitesses amené par la pratique des institutions. Comme l'explique l'auteur, les membres de la zone euro ont par exemple la possibilité d'approfondir leur intégration dans le cadre fixé par Lisbonne, sans qu'aucun aménagement juridique ne soit requis. Le faire ne requerrait que la volonté politique des représentants de chaque pays de l'Eurogroupe. Mais ce n'est pas la voie à laquelle Jean-Claude Piris semble donner le plus de crédit.
 
En développant son quatrième scénario, l'auteur explique en quoi un nouveau texte juridique permettrait de libérer les initiatives des États membres souhaitant approfondir leur intégration politique, économique et militaire dans le cadre de l'Union européenne. L'avènement d'une Europe à plusieurs vitesses par la voie juridique est sans aucun doute l'issue retenue par Jean-Claude Piris qui en propose même des exemples d'institutions nouvelles qui officialiseraient l'existence d'un peloton de tête dans le processus d'intégration européenne à l'instar d'un nouveau tribunal administratif européen.
 
Pour Jean-Claude Piris, l'avenir de l'Europe semble donc passer par la formalisation de l'existence d'un groupe de pays à l'avant-garde du processus d'intégration européenne. Si l'inscription dans les textes de la vocation de certains pays à approfondir le projet européen apparaît tout à fait pertinente au fil du développement de l'auteur, il est néanmoins surprenant que l'auteur écarte le fédéralisme comme élément de définition de l'avenir du projet européen. À quoi pense-t-il lorsqu'il fait référence à une coopération politique, économique et militaire plus approfondie ? Quelle forme institutionnelle prendrait une telle coopération compte tenu des avancées déjà réalisées en la matière ? Il s'agit d'un point que l'ouvrage n'explicite pas. Son défrichement aurait certainement profité à l'ouvrage, mais il s'agit d'un autre débat.
 

 
 
 
(1) PIRIS, J.C., The Future of Europe.Towards a Two-Speed Europe, Cambridge University Press, Cambridge, 2012, 176 pp..










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