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L’autosolisme ou le mal de la mobilité moderne ?


La Rédaction
Samedi 28 Mai 2022



Une étude de Vinci Autoroutes révèle que plus de huit conducteurs sur dix sont seuls au volant entre huit heures et dix heures du matin dans les grandes agglomérations françaises. Un constat peu en phase avec les grands enjeux de la mobilité et de lutte contre la pollution. Des mobilités plus écologiques et partagées sont possibles et appelées à se développer.



En France, neuf déplacements sur dix se font par la route et 95 % des émissions des gaz à effet de serre issues des transports terrestres proviennent de la mobilité routière. La lutte contre l’autosolisme et le développement des mobilités partagées constituent donc des éléments clés pour atteindre la décarbonation. En 2019, le gouvernement s’est ainsi donné pour objectif de tripler en cinq ans la part du covoiturage domicile-travail, pour passer à trois millions de covoitureurs quotidiens. Ce qui revient à faire rouler un million de voitures en moins par jour sur les routes françaises, et à diminuer de 7.800 tonnes les émissions quotidiennes de CO2  !
 
Selon le gouvernement, à l’échelle d’une agglomération, la réduction des émissions de CO2 grâce au covoiturage peut en effet atteindre jusqu’à 30 %. « Bon pour se déplacer, bon pour la planète, bon pour le pouvoir d’achat : nous voulons faire du covoiturage domicile-travail un réflexe, et tripler sa part modale, pour la porter à 9 % des trajets », annonçaient à l’occasion du lancement de cette mobilisation Elisabeth Borne, alors ministre de la Transition écologique et solidaire, et aujourd’hui Première ministre du nouveau gouvernement.  
 
Mais force est de constater qu’il reste encore beaucoup de chemin à faire pour atteindre cet objectif. En effet, aujourd’hui, plus de huit conducteurs sur dix sont seuls au volant le matin dans les principales agglomérations françaises. Tel est le résultat édifiant d’une étude sans précédent menée par Vinci Autoroutes à l’automne 2021 et publiée le 22 avril 2022. Un constat sans appel qui devrait inciter le nouveau gouvernement à changer de braquet, notamment en incitant financièrement les usagers à opter pour le covoiturage.
 
 
Une étude hors du commun sur les habitudes de déplacement
 
En collaboration avec Cyclope.ai, une start-up d’intelligence artificielle appliquée aux data vidéo, des caméras ont été installées sur des portiques afin de capturer des images du trafic circulant sur des sections majeures du réseau Vinci Autoroutes. Ces images, collectées du lundi au vendredi entre 8 heures et 10 heures durant quatre à six semaines, dans le respect de l’anonymat des conducteurs et de leurs passagers, ont ensuite été analysées par un logiciel d’intelligence artificielle.
 
L’étude a porté sur plus de 1,5 million de véhicules circulant à proximité de onze agglomérations françaises situées en Île-de-France, en Nouvelle-Aquitaine, autour de Tours, dans le Pays Basque ainsi qu’autour de Montpellier. La Région Île-de-France, le syndicat Nouvelle-Aquitaine Mobilités, Tours Métropole Val-de-Loire, la communauté d’agglomération du Pays Basque et Montpellier Méditerranée Métropole, ainsi que les plateformes de covoiturage Blablacar, Klaxit et Ecov, se sont d’ailleurs associés à cette étude.
 
Les observations révèlent qu’en moyenne 82,6 % des conducteurs sont seuls au volant, avec un pic moyen d’autosolisme de 89 % à 8 heures. Elles montrent également que le nombre de voitures transportant plus de deux personnes augmente au fil de la matinée alors que le trafic total baisse. Autrement dit, c’est au moment où il est le plus pénalisant, à savoir aux heures de pointe, que l’autosolisme est aussi le plus pratiqué. Cette pratique tend en revanche à diminuer au fur et à mesure que la matinée avance, en lien avec l’évolution de la nature des déplacements (loisirs, courses, rendez-vous médicaux, etc.). Il diminue également le vendredi par rapport aux autres jours ouvrés. Un autre enseignement de cette étude concerne l’impact des distances parcourues sur la pratique de l’autosolisme : il semble en effet que plus la distance à parcourir est longue, et plus le covoiturage est important.
 
Par ailleurs, ce baromètre met en lumière des variations importantes selon les régions. Les taux les plus élevés d’autosolistes sont constatés sur les autoroutes A11 au nord de Nantes (93,1%), l’A10 à Tours (87,1%) et l’A64 à Toulouse (86,5%). A l’inverse, c’est sur l’A83, au sud de Nantes, et sur l’A8, au niveau des agglomérations de Nice et d’Aix-en Provence, que l’on observe les taux de mobilités partagées les plus importants. Ces disparités géographiques se traduisent en effet par des taux de covoiturage variant, aux mêmes horaires, du simple au quadruple selon les tronçons autoroutiers observés. Ainsi les covoitureurs ne représentent que 6,9 % des véhicules à 8 h sur l’A11 à Nantes, alors qu’ils sont simultanément 27,6 % sur l’A10.
 
 
Un baromètre pour mieux évaluer la réalité de l’autosolisme
 
Cette nouvelle technique permet de mieux évaluer la réalité de l’autosolisme en France. Les pratiques des Français en matière de déplacements restent en effet plutôt mal connues et peu quantifiées. Ce qui rend d’autant plus complexe le déploiement par les pouvoirs publics de solutions et de services pertinents pour résoudre les problèmes de congestion et de pollution rencontrés au quotidien dans les grandes agglomérations françaises, en particulier aux heures de pointe.
 
« Même si l’autosolisme est très majoritaire, ce baromètre montre que la pratique de la mobilité partagée et son potentiel de développement restent sous-évalués, y compris dans les trajets du quotidien. Compte tenu du défi immense de réduction des émissions de CO2 liées aux transports que nous devons collectivement relever, il est essentiel de pouvoir mesurer précisément et de suivre dans la durée l’évolution de la réalité de l’autosolisme en France », souligne Pierre Coppey, président de Vinci Autoroutes. « Cela permettra d’adapter continûment et de façon fine les solutions de mobilités partagées, telles que les parkings de covoiturage, les plateformes d’échange multimodales, les voies réservées, etc., aux besoins réels des territoires et des usagers ».
 
Il s’agit en effet aujourd’hui de trouver collectivement les moyens efficaces pour stimuler le développement des mobilités partagées telles que le covoiturage, car cette action aura un impact direct et important sur la fluidification du trafic et sur la réduction des émissions de CO2, l’enjeu étant maximal aux heures de pointe, là où l’impact est le plus important.
 
Covoiturage, bus express... Des alternatives pour décarboner les transports du quotidien
 
Afin de réduire l’impact du trafic routier quotidien, nombreuses sont les agglomérations à envisager aujourd’hui le déploiement des solutions de mobilités collectives et partagées, que ce soit via le réseau de transport en commun (pôles multimodaux, voies réservées pour lignes de cars express) ou par le covoiturage, une option écoresponsable et conviviale qui ne demande que peu d’investissements. Les effets de ces solutions sur le trafic restent néanmoins difficiles à appréhender car les trajets en covoiturage étaient jusqu’à présents suivis essentiellement via leur enregistrement sur les plateformes dédiées comme BlaBlaCar. Or, selon l’Ademe, 77 % des adeptes du covoiturage le pratiquent de façon plus informelle, sans recourir à ces outils.
 
Selon une enquête réalisée en juin 2021 auprès des utilisateurs des parkings de covoiturage situés à proximité du réseau de Vinci Autoroutes, les covoitureurs attribuent à cette forme de mobilité partagée a une triple vertu : un impact positif sur l’environnement (28 %), une dimension conviviale et pratique (27 %) et une source d’économies (26 %). Près de 40 % considèrent qu’il faut développer les services de mise en relation et plus de 25 % souhaitent la création de parkings de covoiturage pour permettre de basculer vers cette nouvelle pratique.
 
Plusieurs voies réservées aux « VR2 + » (véhicules transportant au moins deux occupants, transports en commun, taxis, véhicules à très faibles émissions) ont été mises en service à Lyon, Grenoble, Strasbourg, Bordeaux ou en région parisienne. La multiplication de ces voies réservées passe par « un contrôle performant du nombre d’occupants », souligne le Centre national d’études et d’expertise sur les risques, l’environnement, la mobilité et l’aménagement (Cerema). Plusieurs dispositifs sont testés, l’homologation d’une solution de contrôle automatisé n’étant pas attendue avant fin 2023, même si des solutions de vidéo-verbalisation assistées par ordinateur pourront être mises en œuvre avant cette date.
 
Au-delà du covoiturage, le développement de voies réservées pour des bus express à haut niveau de service est également une solution alternative intéressante à l’autosolisme. A Madrid, par exemple, 350 lignes d’autocars interurbains ont été créées. Tarifs accessibles, fréquence de passage élevée, ponctualité, confort… Ce mode de transport ne manque pas d’atouts. Mais son avantage décisif, c’est sa rapidité. Sur les quinze ou vingt derniers kilomètres de leur trajet, ces autocars bénéficient d’une voie réservée sur l’autoroute, ce qui leur permet d’éviter les embouteillages et de rouler à 90 km/h. Pour des questions de temps, d’argent et de stress, 300.000 personnes habitant la grande couronne préfèrent ainsi utiliser cette solution plutôt que de prendre leur voiture. Un bel exemple d’utilisation collective intelligente de l’infrastructure routière pour décarboner les transports du quotidien.










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