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L’éducation face aux défis vestimentaires


La Rédaction
Jeudi 14 Septembre 2023



Dans le tumulte de chaque rentrée scolaire, les discussions fusent sur les tenues appropriées à adopter en classe. Mais, derrière ces débats, se cachent des enjeux bien plus vastes que de simples choix vestimentaires. Jacqueline Raspail, forte de son expérience en tant qu'ancienne professeure de français, nous offre une perspective unique et éclairée sur ces questions. Dans cette interview, elle partage ses convictions, ses souvenirs et surtout, sa vision de l'équilibre délicat entre liberté d'expression et respect des codes éducatifs.



L'interdiction de l'abaya par notre ministre de l’Éducation fait actuellement débat. En tant qu'ancienne professeure, quelle est votre position à ce sujet ?

A propos de l’interdiction de l’abaya en cette rentrée scolaire 2023,
Je pense que cette initiative est courageuse et nécessaire. Monsieur le Ministre a fort bien défini la notion de laïcité. Quand on rentre dans une classe on ne doit voir aucun signe d’appartenance religieuse, sociale ou culturelle.
Certains pensent que c’est « une réformette » qui détourne l’attention des vrais problèmes de l’école. Il fallait bien commencer à prendre une décision, un petit pas qui progressivement je pense, nous amènera vers le choix de l’uniforme.

Certains pays imposent l'uniforme scolaire. Quelle est votre positionnement sur les avantages et inconvénients d'une telle démarche ?

Je suis absolument favorable à l’uniforme.
Pour des raisons personnelles que j’évoque dans mon essai. L’uniforme m’a sauvée du ridicule, des moqueries et des ricanements de mes amies. On m’affublait de vêtements récupérés en famille qui ne m’allaient pas, ma mère tricotait des pulls informes, parsemés de mailles sautées, elle s’en moquait, seules comptaient pour elle les qualités de cœur, la beauté intérieure. Je portais même mon uniforme en vacances pour le dimanche avec mes cousins, jupe bleu marine plissée et chemisier col claudine blanc, Je me sentais jolie !
 
Mais plus sérieusement, je pense que l’uniforme gomme les inégalités sociales révélées par les vêtements. C’est l’âge au lycée où l’on se regarde, on jalouse, on envie, de la petite bourgeoise en jean troué et foulard Hermès en guise de ceinture, à la jeune fille classique et discrète, à celle dont on devine le peu de moyens il y a d’énormes différences à leurs yeux. C’est l’âge où l’on s’attache aux apparences (la mode, les marques...).
 
Enfin il est agréable pour un professeur de se trouver face à une classe sans toutes ces tensions, où rien ne distingue un élève ou une élève d’un ou d’une autre.
L’uniforme facilite la cohésion sociale, comme dans un groupe sportif, on ne se sent pas isolé mais faisant partie d’un collège, d’un lycée, bref d’un groupe.

La question des tenues à l'école refait surface chaque rentrée. Ne pensez-vous pas que cette focalisation éclipse d'autres problématiques majeures, telles que le bien-être des élèves et des enseignants ?

Bien sûr en ce moment de la rentrée, la focalisation sur les vêtements éclipse les autres problèmes plus graves et plus profonds encore. Mais il fallait bien commencer et c’était peut-être le plus rapide à mettre en place.
On peut regretter que ce thème de la tenue vestimentaire soit pris en main par les médias, les politiques, respectons les choix des proviseurs, professeurs, parents, élèves qui en majorité sont d’accord avec cette réforme.

Face à l'évolution constante de la mode et de la culture, comment envisagez-vous l'équilibre entre la liberté d'expression vestimentaire et le respect des codes éducatifs ?

La liberté du choix vestimentaire peut s’exprimer en dehors du lycée, bien sûr, mais encore faut-il que les adolescents aient appris à respecter une certaine décence. En cet automne encore très ensoleillé, les hauts de maillots de bain, les shorts ultra courts, les décolletés fleurissent, ces tenues ne sont pas de mises au lycée.
Ces adolescents n’ont pas appris à suivre un code vestimentaire qui corresponde au lieu où ils se trouvent. On ne va pas au lycée vêtu ou dévêtu comme à la plage, on ne se vautre pas sur la pelouse du parc comme sur son lit. C’est une question de respect envers les autres et envers soi-même.
Ce laisser aller, cette « liberté » sont souvent la conséquence de la démission des parents, de la toute puissance des réseaux sociaux et des influenceurs.











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