Le phénomène de l’hyperconnexion
Dans le langage populaire et dans les médias, on remarque que le vocabulaire utilisé pour décrire le comportement de ces individus hyperconnectés fait largement appel à la terminologie employée pour illustrer certaines dépendances. Des termes tels que dépendance (addiction en anglais), accros d’internet, tentations technologiques reviennent souvent. Le fait que des gens soient dépendants aux technologies est dorénavant bien ancré dans les esprits, mais il faut préciser que ces dépendances, bien que réelles, sont d’ordre purement psychologique. Dans les faits, on assiste à deux types de comportements qui peuvent être décrits comme étant des dépendances. En premier lieu, il y a ce que les psychiatres appellent les phénomènes de fuite; on cherche alors à s’évader du quotidien en se plongeant dans un univers numérique. En deuxième lieu, dans un contexte le plus souvent professionnel, certains sujets vont ressentir le besoin d’être connectés en tout temps, de peur de rater des informations capitales ou d’être dépassés. Il s’agit là d’un mode de fonctionnement dans l’urgence, en réponse aux impératifs de productivité imposés par l’avènement des technologies de l’information. Dans son article l’individu hypermoderne et ses pathologies, Nicole Aubert résume bien cette impression généralisée de la dépendance aux technologies de l’information : « L’hyperconnecté est dans une logique d’instantanéité. Chaque demande suscite une réponse immédiate qui lui délivre une sensation de plaisir similaire à celle d’une drogue ».
Dans un tel contexte, les séjours à l’extérieur et les voyages sont devenus nécessaires afin de « recharger la pile », de « déconnecter » et de se retrouver soi-même grâce à un répit qui nous permet de renouer avec un rythme plus personnel, en accord avec la notion du temps ressenti, plus subjective, en opposition avec la dictature du temps objectif, dicté par les impératifs du travail. L’industrie du tourisme a compris les besoins, pour certains individus, de se libérer de la domination du numérique et plusieurs prestataires de services ont, depuis quelques années, élaboré des forfaits spécifiques afin de répondre à ce nouveau segment de clientèle. On parle désormais de « Détox digitale » ou encore de « Désintox numérique », termes les plus fréquemment utilisés pour décrire le phénomène.
La question qui se pose alors est : dans quelle mesure ces « thérapies », offertes dans un contexte d’expériences touristiques, aident-elles les individus aux prises avec des problèmes d’hyperconnexion?
Pour y répondre, nous allons d’abord examiner quelques-unes de ces pathologies liées au numérique et étudier quelques schémas de comportements révélateurs d’une utilisation intensive des technologies. Ensuite, nous identifierons les principaux types de séjours reliés à la tendance de la Detox digitale et en examiner le contenu. Puis, nous déterminerons dans quelle mesure ces séjours peuvent aider les voyageurs à cheminer dans l’adoption de comportements plus sains pour leur santé psychologique.
Dans un tel contexte, les séjours à l’extérieur et les voyages sont devenus nécessaires afin de « recharger la pile », de « déconnecter » et de se retrouver soi-même grâce à un répit qui nous permet de renouer avec un rythme plus personnel, en accord avec la notion du temps ressenti, plus subjective, en opposition avec la dictature du temps objectif, dicté par les impératifs du travail. L’industrie du tourisme a compris les besoins, pour certains individus, de se libérer de la domination du numérique et plusieurs prestataires de services ont, depuis quelques années, élaboré des forfaits spécifiques afin de répondre à ce nouveau segment de clientèle. On parle désormais de « Détox digitale » ou encore de « Désintox numérique », termes les plus fréquemment utilisés pour décrire le phénomène.
La question qui se pose alors est : dans quelle mesure ces « thérapies », offertes dans un contexte d’expériences touristiques, aident-elles les individus aux prises avec des problèmes d’hyperconnexion?
Pour y répondre, nous allons d’abord examiner quelques-unes de ces pathologies liées au numérique et étudier quelques schémas de comportements révélateurs d’une utilisation intensive des technologies. Ensuite, nous identifierons les principaux types de séjours reliés à la tendance de la Detox digitale et en examiner le contenu. Puis, nous déterminerons dans quelle mesure ces séjours peuvent aider les voyageurs à cheminer dans l’adoption de comportements plus sains pour leur santé psychologique.
Pathologies liées aux NTIC et déconnexion volontaire
Bien que des termes comme « dépendance digitale » ou « désintox numérique » soient à la mode, il n’est toujours pas démontré, d’un point de vue médical, que les NTIC (nouvelles technologies de l’information et des communications) développent des dépendances. On peut affirmer que ces dépendances existent, mais qu’elles sont avant tout psychologiques. Aussi, il est nécessaire de mentionner ici qu’en règle générale, les informations au sujet des « pathologies » liées à l’urgence ou à une grande utilisation des NTIC n’ont pas été répertoriées de manière spécifique, et se retrouvent plutôt dans les corpus d’études concernant les désordres liés au stress. Dans cette optique, le mot pathologie est utilisé ici dans un sens large, pour décrire des comportements maladifs ou dysfonctionnels.
On observe effectivement, chez les grands utilisateurs des technologies numériques, des comportements de dépendance qui sont obsessifs et qui semblent souvent accompagner des traits de personnalité dépendante. L’usage abusif des NTIC peut conduire à des dérives, en plus d’engendrer des malaises physiques tels que maux de dos liés à une mauvaise posture, amplification de certains problèmes aux articulations du poignet et ainsi de suite. Dans le présent exercice, nous mettrons de côté les maux physiques pour nous concentrer uniquement sur ce qui a trait aux dépendances psychologiques et aux modifications du comportement liées au règne du numérique.
Nicole Aubert, sociologue et psychologue spécialisée en sciences des organisations, a bien décrit l’impact des nouvelles temporalités sur les individus et l’apport incontestable des technologies de l’information sur l’accélération des rythmes de travail au sein des entreprises. Les nouvelles exigences quant aux délais de réponse aux différentes directives, par exemple, ne sont pas sans effets sur les travailleurs et on remarque des changements au niveau de la personnalité, des attitudes et du caractère. Dans le contexte des entreprises, les NTIC semblent avoir engendré une confusion entre ce qui est important, ce qui est urgent, ce qui est essentiel ou encore accessoire. Ce manque de repères fait en sorte qu’il n’y a plus de hiérarchie lors du traitement de l’information, autrement dit, tout devient pressant. Les nouvelles normes quant au temps de réponse acceptable face aux différentes demandes sont appuyées par une vision à court terme, une logique qui sert les actionnaires et les impératifs de résultats des marchés financiers. Face à ces demandes, l’individu devient en quelque sorte prisonnier de l’urgence, de ce schéma de pensée qui le place dans l’obligation d’aller toujours plus vite et à demeurer connecté au bureau en tout temps. Pour certains, cette impossibilité de débrancher est devenue un handicap. Par exemple, l’individu atteint du FOMO (Fear of Missing Out) vit avec la crainte maladive de rater une information capitale et a un besoin compulsif de consulter ses courriels, quels que soient le moment ou le lieu. C’est ainsi que des travailleurs, surtout des cadres, se sentent obligés de consulter leurs courriels plusieurs fois par jour durant leurs séjours à l’extérieur, voire durant leurs vacances.
Ce mode de fonctionnement dans l’immédiat peut envahir la vie personnelle, telle cette cadre et mère de famille décrite par Aubert dans Le culte de l’urgence, la société malade du temps. Cette « superwoman » décrit le sentiment de jouissance et de puissance éprouvé lorsqu’elle réussit à vaincre l’urgence. La joie de se sentir vivre, de se surpasser ne peut être égalée que par le fait de régler une nouvelle urgence, entraînant le sujet dans une spirale. Prisonnière du plaisir de gérer des urgences, elle ne peut plus se passer de cette « montée d’adrénaline », selon ses propres mots, qui agit sur elle comme une drogue. On comprend aisément le risque de maladies liées à l’épuisement chez ce type d’individu.
Dans un registre strictement personnel, certains vont se plonger dans un monde virtuel tels que les jeux en ligne ou les réseaux sociaux, plateformes leur permettant de s’évader et, en quelque sorte, de « se mettre en scène ». Certains iront jusqu’à mettre de côté des choses essentielles et se couper du lien social réel. Pour des sujets déjà fragilisés, ces conduites peuvent être révélatrices de certaines pathologies sociales et Internet permet une latitude, un espace où tout est permis. Ainsi, on a pu observer des internautes qui se créent une identité sur les médias sociaux, profitant de l’anonymat de ces plateformes pour s’exposer sous un jour différent. Ces mises en scène de soi peuvent parfois conduire le sujet à développer des comportements qui l’empêchent de se réaliser pleinement. Étant devenu esclave de ce jeu de rôle, l’individu vit continuellement avec la dichotomie entre le soi virtuel et le soi réel.
Face à ce type de comportements, nuisibles au bien-être et à l’épanouissement des individus, il faut se demander qui se déconnecte? À quelles motivations ce geste correspond-il? Et est-ce que ces séjours, exempts de technologie, rejoignent les plus vulnérables, ceux qui auraient un réel besoin de thérapies adaptées à leur problématique? Des auteurs tels que Jocelyn Lachance et Francis Jauréguiberry nous renseignent sur les motivations des individus pratiquant la déconnexion volontaire aux NTIC et nous apportent des éléments de réponse à toutes ces questions. Dans son article Le rapport à la temporalité du backpacker, Lachance démontre comment le backpacker rompt momentanément avec les contraintes temporelles imposées par la société en délaissant les instruments de mesure du temps, tels la montre et le portable, et évite les occasions de se connecter, sauf dans les moments où il souhaite communiquer avec ses proches. Le voyageur cherche à recréer des rythmes qui lui sont plus personnels, en restant à l’écoute de ses rythmes corporels (déterminés par les besoins physiologiques tels que le sommeil et l’alimentation). Jauréguiberry présente, dans un rapport de recherche déposé en 2013 auprès de l’Agence Nationale de la Recherche, les résultats d’une large étude ayant mobilisé une quinzaine de chercheurs au sujet de la déconnexion volontaire. Les cadres et les voyageurs font partie des groupes observés et l’étude confirme que le voyageur, en règle générale, apprécie la déconnexion qu’il décrit comme un moyen lui permettant de créer une coupure avec son travail. Autrement dit, le voyageur, pour se sentir vraiment en vacances, désire se concentrer sur l’expérience présente et les NTIC le détournent de cet objectif. De plus, l’étude semble appuyer les conclusions d’Aubert quant aux agissements des cadres. Il y est mentionné, entre autres, que ces derniers n’arrivent que rarement à se déconnecter, obnubilés par la nécessité de rester connectés au pouls de l’entreprise.
On observe effectivement, chez les grands utilisateurs des technologies numériques, des comportements de dépendance qui sont obsessifs et qui semblent souvent accompagner des traits de personnalité dépendante. L’usage abusif des NTIC peut conduire à des dérives, en plus d’engendrer des malaises physiques tels que maux de dos liés à une mauvaise posture, amplification de certains problèmes aux articulations du poignet et ainsi de suite. Dans le présent exercice, nous mettrons de côté les maux physiques pour nous concentrer uniquement sur ce qui a trait aux dépendances psychologiques et aux modifications du comportement liées au règne du numérique.
Nicole Aubert, sociologue et psychologue spécialisée en sciences des organisations, a bien décrit l’impact des nouvelles temporalités sur les individus et l’apport incontestable des technologies de l’information sur l’accélération des rythmes de travail au sein des entreprises. Les nouvelles exigences quant aux délais de réponse aux différentes directives, par exemple, ne sont pas sans effets sur les travailleurs et on remarque des changements au niveau de la personnalité, des attitudes et du caractère. Dans le contexte des entreprises, les NTIC semblent avoir engendré une confusion entre ce qui est important, ce qui est urgent, ce qui est essentiel ou encore accessoire. Ce manque de repères fait en sorte qu’il n’y a plus de hiérarchie lors du traitement de l’information, autrement dit, tout devient pressant. Les nouvelles normes quant au temps de réponse acceptable face aux différentes demandes sont appuyées par une vision à court terme, une logique qui sert les actionnaires et les impératifs de résultats des marchés financiers. Face à ces demandes, l’individu devient en quelque sorte prisonnier de l’urgence, de ce schéma de pensée qui le place dans l’obligation d’aller toujours plus vite et à demeurer connecté au bureau en tout temps. Pour certains, cette impossibilité de débrancher est devenue un handicap. Par exemple, l’individu atteint du FOMO (Fear of Missing Out) vit avec la crainte maladive de rater une information capitale et a un besoin compulsif de consulter ses courriels, quels que soient le moment ou le lieu. C’est ainsi que des travailleurs, surtout des cadres, se sentent obligés de consulter leurs courriels plusieurs fois par jour durant leurs séjours à l’extérieur, voire durant leurs vacances.
Ce mode de fonctionnement dans l’immédiat peut envahir la vie personnelle, telle cette cadre et mère de famille décrite par Aubert dans Le culte de l’urgence, la société malade du temps. Cette « superwoman » décrit le sentiment de jouissance et de puissance éprouvé lorsqu’elle réussit à vaincre l’urgence. La joie de se sentir vivre, de se surpasser ne peut être égalée que par le fait de régler une nouvelle urgence, entraînant le sujet dans une spirale. Prisonnière du plaisir de gérer des urgences, elle ne peut plus se passer de cette « montée d’adrénaline », selon ses propres mots, qui agit sur elle comme une drogue. On comprend aisément le risque de maladies liées à l’épuisement chez ce type d’individu.
Dans un registre strictement personnel, certains vont se plonger dans un monde virtuel tels que les jeux en ligne ou les réseaux sociaux, plateformes leur permettant de s’évader et, en quelque sorte, de « se mettre en scène ». Certains iront jusqu’à mettre de côté des choses essentielles et se couper du lien social réel. Pour des sujets déjà fragilisés, ces conduites peuvent être révélatrices de certaines pathologies sociales et Internet permet une latitude, un espace où tout est permis. Ainsi, on a pu observer des internautes qui se créent une identité sur les médias sociaux, profitant de l’anonymat de ces plateformes pour s’exposer sous un jour différent. Ces mises en scène de soi peuvent parfois conduire le sujet à développer des comportements qui l’empêchent de se réaliser pleinement. Étant devenu esclave de ce jeu de rôle, l’individu vit continuellement avec la dichotomie entre le soi virtuel et le soi réel.
Face à ce type de comportements, nuisibles au bien-être et à l’épanouissement des individus, il faut se demander qui se déconnecte? À quelles motivations ce geste correspond-il? Et est-ce que ces séjours, exempts de technologie, rejoignent les plus vulnérables, ceux qui auraient un réel besoin de thérapies adaptées à leur problématique? Des auteurs tels que Jocelyn Lachance et Francis Jauréguiberry nous renseignent sur les motivations des individus pratiquant la déconnexion volontaire aux NTIC et nous apportent des éléments de réponse à toutes ces questions. Dans son article Le rapport à la temporalité du backpacker, Lachance démontre comment le backpacker rompt momentanément avec les contraintes temporelles imposées par la société en délaissant les instruments de mesure du temps, tels la montre et le portable, et évite les occasions de se connecter, sauf dans les moments où il souhaite communiquer avec ses proches. Le voyageur cherche à recréer des rythmes qui lui sont plus personnels, en restant à l’écoute de ses rythmes corporels (déterminés par les besoins physiologiques tels que le sommeil et l’alimentation). Jauréguiberry présente, dans un rapport de recherche déposé en 2013 auprès de l’Agence Nationale de la Recherche, les résultats d’une large étude ayant mobilisé une quinzaine de chercheurs au sujet de la déconnexion volontaire. Les cadres et les voyageurs font partie des groupes observés et l’étude confirme que le voyageur, en règle générale, apprécie la déconnexion qu’il décrit comme un moyen lui permettant de créer une coupure avec son travail. Autrement dit, le voyageur, pour se sentir vraiment en vacances, désire se concentrer sur l’expérience présente et les NTIC le détournent de cet objectif. De plus, l’étude semble appuyer les conclusions d’Aubert quant aux agissements des cadres. Il y est mentionné, entre autres, que ces derniers n’arrivent que rarement à se déconnecter, obnubilés par la nécessité de rester connectés au pouls de l’entreprise.
Le « répit numérique » et les séjours débranchés
Ce qui devient intéressant pour l’industrie touristique, c’est justement la composition de deux des grands groupes amateurs de ces cures d’Internet soit les voyageurs, du moins à certains moments de leur séjour, et les gens d’affaires (cadres, chefs d’entreprise, directeurs de ressources humaines). Face à ces constats, de nombreux fournisseurs de services d’hébergement offrent des séjours de « répit numérique ». Ce phénomène émergent est désormais appelé la « Désintox digitale ». On retrouve de multiples initiatives calquées sur ce modèle et le phénomène est en pleine expansion. Plusieurs séjours sont ainsi proposés en passant par le « cold turkey », lors duquel le client remet tous ses appareils; on lui fournit alors un kit de survie (livre, jeu de société) jusqu’à la diète numérique dans un cadre naturel, lors de laquelle on peut bénéficier d’accompagnateurs. Pour mieux illustrer cette tendance, voici la description sommaire de quelques-uns de ces forfaits. Par exemple, le forfait Digital Detox, offert à l’hôtel The Westin Dublin, incite les visiteurs à enfermer leurs appareils et gadgets en tous genres dans un coffre-fort au début de leur séjour. Diverses activités de détente sont proposées afin de détourner le « patient » de ses mauvaises habitudes. Le voyagiste Virgin Holidays propose quant à lui une thérapie de débranchement appelée Disconnection Therapy. Des vidéos enseignent aux clients comment bien préparer leur voyage en leur démontrant comment résister aux envies trop fortes de se connecter à leurs appareils. Le but du programme est de permettre au touriste de profiter pleinement de son voyage. Certains centres de villégiature encouragent leurs clients à se départir de leurs appareils et offrent des récompenses à ceux qui seraient prêts, par exemple, à se priver de leur iPhone. L’Echo Valley Ranch & Spa, en Colombie-Britannique, en est un bon exemple. La compagnie The Digital Detox est probablement une pionnière dans ce type de forfait débranché et offre des retraites mensuelles dans un cadre naturel avec séances de yoga, ateliers d’écriture et méditation.
On peut affirmer qu’il existe deux catégories de séjours déconnectés. Il y a d’abord les chaînes hôtelières, qui s’adressent à une clientèle d’affaires. Ce type de séjour cherche à répondre à des attentes fonctionnelles, telles que le désir de se reposer et de prendre soin de sa santé. Puis, vient le séjour en nature, avec séances de yoga et une approche plus holistique. Cette approche répond à des attentes imaginaires, tel le besoin d’épanouissement. Ces « thérapies » sont en fait un mélange de tourisme expérientiel (déconnecter pour mieux vivre l’expérience) et de tourisme de bien-être. Ainsi, plusieurs centres offrant des thérapies thermales ont ajouté des composantes « déconnectées » à leur forfait : sections dédiées au repos sans accès WiFi, etc.
Les exemples sont nombreux et démontrent l’engouement des consommateurs pour ce type de produit. Pour les gens d’affaires, il semble qu’il y ait un réel besoin de retrouver un équilibre pour profiter pleinement des moments de repos. Des coupures occasionnelles s’avèrent nécessaires et bénéfiques, la plupart d’entre eux étant d’accord sur le fait que les technologies de l’information augmentent le nombre de leurs tâches, et le nombre de tâches à effectuer en dehors des lieux de travail, en plus de contribuer au maintien de leur stress. Le voyageur, quant à lui, désire aménager un terrain d’entente avec la famille et les proches, à qui il veut donner des nouvelles, mais aussi perdre la notion du temps grâce à des moments de déconnexion. Les technologies seront utiles pour organiser le séjour (trouver des services à proximité par exemple), mais sans plus. Pour les deux groupes, on constate une volonté d’échapper aux effets indésirables des technologies et ces périodes de déconnexion sont perçues comme un soulagement.
On peut affirmer qu’il existe deux catégories de séjours déconnectés. Il y a d’abord les chaînes hôtelières, qui s’adressent à une clientèle d’affaires. Ce type de séjour cherche à répondre à des attentes fonctionnelles, telles que le désir de se reposer et de prendre soin de sa santé. Puis, vient le séjour en nature, avec séances de yoga et une approche plus holistique. Cette approche répond à des attentes imaginaires, tel le besoin d’épanouissement. Ces « thérapies » sont en fait un mélange de tourisme expérientiel (déconnecter pour mieux vivre l’expérience) et de tourisme de bien-être. Ainsi, plusieurs centres offrant des thérapies thermales ont ajouté des composantes « déconnectées » à leur forfait : sections dédiées au repos sans accès WiFi, etc.
Les exemples sont nombreux et démontrent l’engouement des consommateurs pour ce type de produit. Pour les gens d’affaires, il semble qu’il y ait un réel besoin de retrouver un équilibre pour profiter pleinement des moments de repos. Des coupures occasionnelles s’avèrent nécessaires et bénéfiques, la plupart d’entre eux étant d’accord sur le fait que les technologies de l’information augmentent le nombre de leurs tâches, et le nombre de tâches à effectuer en dehors des lieux de travail, en plus de contribuer au maintien de leur stress. Le voyageur, quant à lui, désire aménager un terrain d’entente avec la famille et les proches, à qui il veut donner des nouvelles, mais aussi perdre la notion du temps grâce à des moments de déconnexion. Les technologies seront utiles pour organiser le séjour (trouver des services à proximité par exemple), mais sans plus. Pour les deux groupes, on constate une volonté d’échapper aux effets indésirables des technologies et ces périodes de déconnexion sont perçues comme un soulagement.
Que penser de ces thérapies?
Bien que répondant adéquatement aux besoins de la clientèle hyperconnectée, l’offre de séjours débranchés ne constitue pas des thérapies à proprement parler. Par exemple, on ne retrouve pas de démarche trouvant ses fondements dans la psychologie classique. Si on étudie attentivement la description de ces séjours, on ne trouve jamais de référence à des termes tels que thérapie cognitivo comportementale, thérapie interpersonnelle, psychopédagogie ou encore approches motivationnelles, toutes des approches largement répandues et utilisées dans le traitement de dépendances diverses.
Ces nouveaux produits touristiques relèvent plutôt d’une approche marketing, visant à combler certains besoins spécifiques à une clientèle cible. On veut préserver le climat calme de l’hôtel, qui convient mieux au voyage. On souhaite également assurer le confort des clients qui veulent éviter le souvenir du bureau, souvent réactivé par la vue d’autres clients en discussion à leur téléphone portable ou connectés à leur tablette ou autre appareil numérique. Il est à l’avantage des chaînes hôtelières d’offrir des espaces exempts de « pollution numérique ». C’est une pure question d’image et la démarche n’est pas tout à fait altruiste.
Fait paradoxal, l’hyperconnecté décrit par Nicole Aubert, qu’on pourrait parfois qualifier de technotoxicomane (techno-junkie en anglais), doit passer par le Web pour trouver des « thérapies » qui lui conviennent, sa dépendance se trouvant stimulée par le fait même. Ce phénomène contribue à les maintenir accros… à ces cures de désintox! Dans ce dernier cas, on pourrait éventuellement établir un lien avec le traitement de la boulimie, processus lors duquel le patient doit apprendre à modifier certains comportements, tout en continuant à se nourrir et en restant en contact avec l’objet de sa dépendance. Il est souhaitable que nous voyions apparaître, un jour, de véritables instituts de désintoxication numérique, préconisant des approches structurées et adaptées aux besoins de leurs patients hyperconnectés.
Ces nouveaux produits touristiques relèvent plutôt d’une approche marketing, visant à combler certains besoins spécifiques à une clientèle cible. On veut préserver le climat calme de l’hôtel, qui convient mieux au voyage. On souhaite également assurer le confort des clients qui veulent éviter le souvenir du bureau, souvent réactivé par la vue d’autres clients en discussion à leur téléphone portable ou connectés à leur tablette ou autre appareil numérique. Il est à l’avantage des chaînes hôtelières d’offrir des espaces exempts de « pollution numérique ». C’est une pure question d’image et la démarche n’est pas tout à fait altruiste.
Fait paradoxal, l’hyperconnecté décrit par Nicole Aubert, qu’on pourrait parfois qualifier de technotoxicomane (techno-junkie en anglais), doit passer par le Web pour trouver des « thérapies » qui lui conviennent, sa dépendance se trouvant stimulée par le fait même. Ce phénomène contribue à les maintenir accros… à ces cures de désintox! Dans ce dernier cas, on pourrait éventuellement établir un lien avec le traitement de la boulimie, processus lors duquel le patient doit apprendre à modifier certains comportements, tout en continuant à se nourrir et en restant en contact avec l’objet de sa dépendance. Il est souhaitable que nous voyions apparaître, un jour, de véritables instituts de désintoxication numérique, préconisant des approches structurées et adaptées aux besoins de leurs patients hyperconnectés.
Le mot de la fin
Un autre phénomène nous indique que les technologies ne sont pas toujours un facteur décisif dans le choix d’une destination, ou du moins qu’elles ne représentent pas toujours une plus-value. On retrouve des destinations « naturellement » débranchées et qui attirent néanmoins une large clientèle. Par exemple, les touristes continuent, année après année, à affluer en masse à Cuba, qui n’offre toujours pas de branchement haute vitesse, sauf en certains endroits. Plus près de nous, Sainte-Élie-de-Caxton, le village natal du célèbre conteur Fred Pellerin, offre une expérience touristique inusitée axée sur la découverte d’un monde imaginaire, lors de laquelle le visiteur est invité à ralentir. « Nous, ici, nous sommes différents. On aime prendre le temps » se plaisent à répéter les employés du kiosque d’accueil touristique quand on leur demande le code d’accès au WiFi, inexistant dans le monde coloré de Pellerin. L’absence des technologies, à part des audioguides qui semblent tout à coup bien rétrogrades, permet de se plonger dans un univers ludique et inspiré d’une autre époque. Le manque de WiFi et autres services technologiques contribue justement au charme de ces destinations et permet de se ressourcer, comme quoi il n’est pas nécessaire de débourser pour une « détox digitale »!
Se sentir maître du temps est un élément omniprésent dans la société hypermoderne. Les pratiques de déconnexion planifiée reflètent une volonté de maîtriser les technologies et de se libérer de l’emprise du temps réel et de sa dictature. C’est dans cette optique que nous pouvons parler d’une utilisation raisonnée des technologies, qui devraient être au service de l’être humain et non l’inverse. Les thérapies offertes par les prestataires touristiques peuvent effectivement aider à une prise de conscience chez des individus qui ne présentent pas de pathologies importantes associées à l’utilisation du numérique, mais qui en font néanmoins un usage abusif. D’ailleurs, de plus en plus de gens qui font une utilisation intensive de ces outils se montrent critiques face à leurs effets pervers. Pour les acteurs de l’industrie touristique, cela signifie qu’une utilisation judicieuse des technologies digitales devra être préconisée, car il semblerait qu’une partie de la clientèle approche du seuil de saturation face à l’exposition aux médias numériques. Ces clients souhaitent désormais bénéficier de moments sans connexion. Et la tendance semble là pour rester.
Bibliographie
Monographies
Aubert, Nicole (2003), Le Culte de l’urgence, la société malade du temps, Flammarion, 377 pages.
Articles scientifiques
Aubert, Nicole, L'individu hypermoderne et ses pathologies, L'information psychiatrique 7/2006 (Volume 82) , p. 605-610
Granjon, Fabien, De quelques pathologies sociales de l'individualité numérique. Exposition de soi et autoréification sur les sites de réseaux sociaux, Réseaux 3/2011 (n° 167) , p. 75-103
Jauréguiberry, Francis. Déconnexion volontaire aux technologies de l'information et de la communication. 2013. Résumé du rapport de la recherche DEVOTIC remis à l’Agence Nationale de la Recherche. Archive ouverte pluridisciplinaire HAL Id : hal-00925309
Lachance, Jocelyn. La rapport à la temporalité du backpacker, Théoros, 32-1. 2013, 73-79.
Sites internet
Chaire de tourisme Transat. Le Réseau de veille en tourisme (20 août 2014). En vacances, débranchez-vous? récupéré le 8 février 2016 de http://tourismexpress.com/nouvelles/en-vacances-debranchez-vous
Chaire de tourisme Transat. Le Réseau de veille en tourisme (21 janvier 2013). La désintoxe numérique en version touristique. Récupéré le 25 janvier 2016 de http://veilletourisme.ca/2013/01/21/la-desintox-numerique-en-version-touristique/
Digital Detox. Accueil. Récupéré le 6 février 2016 de http://digitaldetox.org
Piquet, Caroline. Le « digital detox » ou comment apprendre à débrancher son smartphone. Le Figaro, 21 mai 2014. Récupéré le 9 février 2016 de http://www.lefigaro.fr
Renault, Marie-Cécile. Ces branchés qui débranchent, la nouvelle tendance du Web. Le Figaro, 11 sept. 2012. Récupéré le 2 février 2016 de http://www.lefigaro.fr
Smith, Adèle. Des cures de désintox pour les accros d’Internet. Le Figaro, 29 mars 2013. Récupéré le 29 janvier 2016 de http://www.lefigaro.fr
Société canadienne de psychologie. Les troubles de l’alimentation. (Mars 2009). Récupéré le 25 mars 2016 de http://www.cpa.ca/lapsychologiepeutvousaider/troublesdelalimentation/
Tisseron, Serge. Détox numérique, halte à l’intox. Huffington post, 27 juillet 2014. Récupéré le 25 mars 2016 de http://www.ifac-addictions.fr/detox-numerique-halte-a-l-intox.html
Vignoli, Lisa. Une cure de désintox numérique pour déconnecter. Le Monde, 1 août 2013. Récupéré le 3 févrrier 2016 de http://www.lemonde.fr
Se sentir maître du temps est un élément omniprésent dans la société hypermoderne. Les pratiques de déconnexion planifiée reflètent une volonté de maîtriser les technologies et de se libérer de l’emprise du temps réel et de sa dictature. C’est dans cette optique que nous pouvons parler d’une utilisation raisonnée des technologies, qui devraient être au service de l’être humain et non l’inverse. Les thérapies offertes par les prestataires touristiques peuvent effectivement aider à une prise de conscience chez des individus qui ne présentent pas de pathologies importantes associées à l’utilisation du numérique, mais qui en font néanmoins un usage abusif. D’ailleurs, de plus en plus de gens qui font une utilisation intensive de ces outils se montrent critiques face à leurs effets pervers. Pour les acteurs de l’industrie touristique, cela signifie qu’une utilisation judicieuse des technologies digitales devra être préconisée, car il semblerait qu’une partie de la clientèle approche du seuil de saturation face à l’exposition aux médias numériques. Ces clients souhaitent désormais bénéficier de moments sans connexion. Et la tendance semble là pour rester.
Bibliographie
Monographies
Aubert, Nicole (2003), Le Culte de l’urgence, la société malade du temps, Flammarion, 377 pages.
Articles scientifiques
Aubert, Nicole, L'individu hypermoderne et ses pathologies, L'information psychiatrique 7/2006 (Volume 82) , p. 605-610
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Piquet, Caroline. Le « digital detox » ou comment apprendre à débrancher son smartphone. Le Figaro, 21 mai 2014. Récupéré le 9 février 2016 de http://www.lefigaro.fr
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Tisseron, Serge. Détox numérique, halte à l’intox. Huffington post, 27 juillet 2014. Récupéré le 25 mars 2016 de http://www.ifac-addictions.fr/detox-numerique-halte-a-l-intox.html
Vignoli, Lisa. Une cure de désintox numérique pour déconnecter. Le Monde, 1 août 2013. Récupéré le 3 févrrier 2016 de http://www.lemonde.fr
Marie-Hélène Bernard est spécialisée en gestion des organismes culturels et candidate à la Maîtrise en développement du tourisme à l’Université du Québec à Montréal. Elle a d’abord fait carrière en enseignement de la musique et des arts plastiques au primaire et a été professeure de piano. Depuis 2004, elle a œuvré au sein de différentes organisations culturelles d’envergure internationale.
Préoccupée par le développement durable et les questions sociales, elle recherche l’équilibre dans toutes les sphères de sa vie.
Vous pouvez contacter l'auteur à l'adresse suivante : marie-helene.bernard@hec.ca
Benoit Duguay est professeur titulaire à l'École des sciences de la gestion de l'UQAM, où il oeuvre depuis 2003, et chercheur à la Chaire de relations publiques et communication marketing. Il a précédemment fait carrière en ventes et marketing, principalement dans l’industrie informatique, au sein de sociétés multinationales et de petites et moyennes entreprises. Il est notamment l'auteur de Consommation et nouvelles technologies (2009), Consommation et luxe (2007) et Consommation et image de soi (2005). Son dernier ouvrage Consommer, consumer. Dérives de la consommation (2014), paru aux Editions Liber, fait l'historique de la société de consommation et étudie en détail ce que l'auteur dépeint comme la "société de consumation". Au delà de cette analyse, Benoit Duguay nous invite à une réflexion autour de notre société de l'excès. Vous pouvez retrouver Benoit Duguay sur http://duguay.org/
Préoccupée par le développement durable et les questions sociales, elle recherche l’équilibre dans toutes les sphères de sa vie.
Vous pouvez contacter l'auteur à l'adresse suivante : marie-helene.bernard@hec.ca
Benoit Duguay est professeur titulaire à l'École des sciences de la gestion de l'UQAM, où il oeuvre depuis 2003, et chercheur à la Chaire de relations publiques et communication marketing. Il a précédemment fait carrière en ventes et marketing, principalement dans l’industrie informatique, au sein de sociétés multinationales et de petites et moyennes entreprises. Il est notamment l'auteur de Consommation et nouvelles technologies (2009), Consommation et luxe (2007) et Consommation et image de soi (2005). Son dernier ouvrage Consommer, consumer. Dérives de la consommation (2014), paru aux Editions Liber, fait l'historique de la société de consommation et étudie en détail ce que l'auteur dépeint comme la "société de consumation". Au delà de cette analyse, Benoit Duguay nous invite à une réflexion autour de notre société de l'excès. Vous pouvez retrouver Benoit Duguay sur http://duguay.org/