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Voitures électriques versus voitures thermiques : en finir avec les faux débats


La Rédaction
Vendredi 5 Décembre 2014



Entre les pro-électriques et leurs détracteurs, les débats sont souvent houleux. Alors que les attaques se multiplient envers les véhicules électriques, il est parfois difficile de démêler le vrai du faux. Or, les enjeux technologiques et donc industriels, comme les défis environnementaux, notamment en matière de politique énergétique, sont majeurs.



commons.wikimedia.org
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La voiture de demain ?

Consommateurs comme constructeurs sont de plus en plus attirés par la voiture électrique. Au dernier salon de l’automobile, les constructeurs étaient toujours plus nombreux à afficher un modèle électrique. On est encore loin de la fièvre norvégienne mais les constructeurs qui ont très vite suivi le filon, se disent confiants quant à l’avenir de ce véhicule. La France s’affiche comme le deuxième marché européen de véhicules électriques. Les conducteurs sont sensibles à cette nouvelle technologie et 28% des Français seraient prêts à acheter une voiture électrique plutôt qu’une voiture à essence. L’argument le plus souvent retenu est celui de l’écologie. Qu’en est-il ?

Moteur électrique, hybride ou à pile à combustible, le « rouler propre » semble faire son chemin face aux pics de pollution mais également des prix de carburants et des frais d’entretien qui pèsent sur le porte-monnaie des conducteurs. Mais qu’est ce qui se cache derrière ce slogan souvent galvaudé ? Le jury de déontologie publicitaire (JDP) a mené son enquête et a rendu en juin dernier trois avis considérant que la voiture électrique ne peut pas être considérée comme « écologique » ni « propre ». Elle se base sur les publicités vantant les mérites de l’Autolib’, voiture en libre-service de la capitale et son homologue lyonnais, la Bluely. Les attaques contre la voiture électrique se multiplient si on en croit la plainte déposée par la Fédération nationale des associations d'usagers des transports (Fnaut) contre une publicité pour la Zoé de Renault. Pas si propre que ça, la voiture électrique ?

Distinguer cycle de vie et émission de CO2

L’exemple de la plainte contre Zoé est assez révélateur. La publicité pour la voiture électrique titrait : « Renault Zoé : 100 % électrique, 0 % d'émissions. » Un mensonge pour les détracteurs de la voiture électrique. Or, l'avis du JDP sur le cas Zoé démontre toute la subtilité du débat : il estime que « la publicité n'induit nullement l'idée que les véhicules électriques n'auraient aucun impact négatif sur l'environnement » puisque le constructeur a précisé, certes en petits caractères après l'astérisque, que l'absence de CO2 se réfère à l'utilisation du véhicule (hors usure) et non à l'ensemble de son cycle de vie ou à la production de l'électricité nécessaire à son rechargement.

De quoi relativiser certains commentaires qui tendent à faire passer la voiture électrique comme « plus polluante » par rapport aux véhicules thermiques. Car il faut comparer ce qui est comparable. Toute analyse comparative doit utiliser les mêmes référents, sinon elle ne compare pas : elle prend parti. Aussi, on doit distinguer d’une part les performances des deux catégories de véhicules s’agissant de leurs émissions de gaz à effet de serre et d’autre part, comparer les deux véhicules en prenant en compte leur cycle de vie, c’est-à-dire de la phase de construction à celle du recyclage, et comprenant un nombre de kilomètres parcourus identique. Une étude comparant les cycles de vie des véhicules électriques et thermiques publiée par l'Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie (Ademe), précise qu’une voiture électrique émet environ 10 tonnes de CO2 contre 22 tonnes pour une voiture diesel et environ 27 tonnes pour une voiture à essence, pour un cycle de vie estimé à 150 000 kilomètres. Sauf que voitures essence comme diesel n’émettent pas que du CO2 en roulant : dioxyde de souffre, NOx, particules fines, et beaucoup d’autres choses pour lesquelles le bilan « roulant » de la voiture électrique est quasi-nul (sauf à détailler ce qui sortirait des cheminées d’une centrale thermique, mais la filtration des fumées des centrales est sur ce point bien plus performante que nos pots catalytiques).

Les batteries comme point faible

« Tout véhicule a un impact sur l'environnement, lors de sa construction comme de son cycle de vie » confie Stéphane Martin de l’Autorité de régulation professionnelle de la publicité. La voiture électrique n’y échappe pas. Les batteries utilisées, d’une durée de vie de 5 ans en moyenne, contiennent des composants toxiques dont du plomb, du cadmium et du lithium et sont sources de pollution similaire à celle d’un véhicule classique au vu de leur fabrication, de leur transport et leur assemblage. Si la voiture électrique sort de l'usine en ayant émis plus de CO2, elle rattrape assez vite son retard en matière de bilan carbone grâce à sa consommation d’électricité peu ou pas émettrice de gaz à effet de serre. Là encore le raisonnement en matière de bilan carbone n’est pas pleinement satisfaisant dans la mesure où la grande majorité de l’électricité utilisée pour ces véhicules provient de l’énergie nucléaire qui a de sérieux impacts environnementaux. « Certes, la voiture électrique ne pollue pas quand elle circule, mais elle pollue avant et après, et surtout elle délocalise la pollution autour des mines d'uranium et de lithium, des centrales nucléaires, des sites de stockage de déchets radioactifs » dénonce Stéphane Lhomme, directeur de l'Observatoire du nucléaire. Ainsi les modes de production de l’électricité ont, de notoriété publique, un impact indéniable sur la « propreté » de la voiture électrique. Néanmoins on ne peut pas dire que l’extraction du pétrole, son raffinage et son transport soient des activités réellement propres et sans conséquences pour l’environnement. Une fois encore il faut comparer à critères équivalents : l’électricité d’origine nucléaire n’est pas neutre pour l’environnement, loin de là, mais est-elle bien pire que la chaine qui nous approvisionne en carburants fossiles?

Favoriser une électricité issue des énergies renouvelables

Actuellement, 40 % de l’électricité est issue des centrales au charbon,  20 % par des centrales au gaz, 15 % par des centrales nucléaires, 15 % par des barrages, 5 % par des produits pétroliers. La part des énergies renouvelables est encore assez infime : moins de 2 % avec de l’éolien et moins de 0.2 % pour le solaire. En Allemagne, où l'électricité vient actuellement à 44 % du charbon, les émissions y seront alors plus importantes qu'une voiture conventionnelle. Certains constructeurs semblent l’avoir compris : « à Lyon, nous avons en outre un accord avec la Compagnie nationale du Rhône, qui nous fournit une électricité 100 % hydraulique » précise Julien Marin, directeur de la communication chez Bolloré, constructeur des voitures en libre-service et électriques dans différentes villes de France.

Pour Maxime Pasquier, un des responsables de l’étude de l’ADEME, les efforts doivent se poursuivre vers l’électrique : la voiture électrique « reste indéniablement une bonne arme pour limiter la pollution locale » affirme-t-il. Mais pour un réel impact positif sur l’environnement, les efforts devront surtout porter sur les modes de production de l’électricité.

 










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