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​ Vote de la directive copyright européenne


La Rédaction
Mardi 26 Mars 2019



La directive qui promet de modifier la question des droits d’auteurs sur Internet vient d’être votée. Ce texte a été le cadre de campagnes de lobbying intenses entre ses partisans et opposants. Malgré de nombreux débats, il ne fait toujours pas l’unanimité tant les propositions sont déstabilisantes pour l’industrie du numérique.



Origines

Le texte se veut être un « harmonisateur » du droit d’auteur au sein des pays de l’Union, la commission voit dans la directive une révision nécessaire d’un cadre juridique en inéquation avec les problèmes contemporains et qui n’a pas subi de modifications depuis 2001. L’esprit de la directive est de créer un système de meilleure redistribution des revenus, concentrés actuellement par les grands groupes du numérique, vers les créateurs de contenus. Le but est aussi de créer un marché unique digital qui pourrait augmenter le PIB de l’Union de 415 milliards d’euros.

La Commission européenne a proposé la première mouture en septembre 2016, le texte a été modifié est approuvé par le Conseil de l’Union. Il est ensuite passé au Parlement qui a voté la réouverture des débats en juillet 2018. Le Parlement a abouti à un texte diffèrent, qui a déclenché une négociation tripartite pour parvenir à une position commune.

Le texte mis au vote du parlement européen est voté le 26 mars 2019. Il devra être implémenté en droit local par tous les pays de l’UE au cours des 24 mois qui suivent.
 
Les points de confrontations 

Les deux articles les plus controversés sont les 11 et 13. Ils impliqueront des changements substantiels de la législation actuelle.
L’article 11 prévoit de renforcer les droits des éditeurs de presse et d’étendre la redevance sur le contenu qu’ils produisent. Il vise à faire payer une licence aux acteurs qui regroupe les contenus comme Google news s’ils partagent sur leur plateforme plus que le simple lien et un bref résumé de l’article.

Le texte est pourtant imprécis sur de nombreux points : comment assurer cette redevance pour des blogueurs ou des petites plateformes d’édition ; comment sera calculé cette redevance en fonction des différents types d’acteurs, mais surtout quid de la liberté d’informer et de partager ? Nos systèmes démocratiques se basent sur des citoyens informés par différents points de vue pour qu’ils aboutissent à une opinion leur permettant un vote en connaissance et en conscience. Cela implique un accès libre à la presse, ce qui serait potentiellement remis en cause. Il est évident que l’information à un coût, mais ce mécanisme risque d’affaiblir les éditeurs qui refuseraient le deal des grandes plateformes, les journaux qui pour la plupart survivent ne sont pas en mesure de s’opposer aux GAFAM.

L’article 13 est encore plus controversé, il prévoit de transformer le statut légal des « prestataires de services de la société de l'information » (des sociétés telles que YouTube). Cet article attribuera une responsabilité « active » aux hébergeurs dans la protection des droits d’auteurs alors que le statut actuel est de la considérer comme « passive ». Cette différence implique un bouleversement de la gestion des droits d’auteurs. Le système actuel voit les sites comme non responsables des violations commises par ses utilisateurs, ils agissent seulement « a posteriori » à la demande des ayants droit. Le nouveau texte prévoit donc de déplacer la responsabilité des utilisateurs à l’hébergeur lui-même. Ce changement est tout sauf anodin. Pour s’assurer de ne pas violer la loi, la plateforme devra créer un système de contrôle « a priori » pour détecter tout contenu illégal.
 
L’exemple de YouTube

Pour référence, YouTube utilise un algorithme depuis quelques années nommé « content ID », son but est de s’assurer du respect des droits d’auteurs lorsque les vidéos sont monétisées. Ce programme est la cible d’un fort mécontentement par les créateurs sur la plateforme. Il agit de manière brusque, sans reconnaître les nuances du droit à la citation et à la parodie. Ainsi nombre de youtubeurs se retrouvent privés de leurs revenus pour des utilisations légitimes. La technologie qui permettrait une analyse assez fine pour distinguer les contenus en fonction de critères juridiques déjà flous pour des humains est tout simplement irréelle. Obliger les géants du web à se conformer à cette réglementation aura un important effet négatif sur le contenu disponible. Pour éviter un nombre important de procès, les hébergeurs pourraient interdire toute publication potentiellement à problème, légale ou illégale. Cette décision impactera fortement toutes les personnes faisant d’Internet leur moyen de subsistance. Cela signifiera aussi la fin des parodies et l’extrême précaution pour toute référence et citation à un contenu sous copyright.

Un second problème se pose aussi pour les starts up et les PME du numérique qui ne disposent pas des capacités financières et matérielles des grands groupes pour s’assurer du respect de la loi. Ce texte pourrait donc être un frein important à l’innovation en Europe.

Le fonctionnement actuel de YouTube est un indicateur intéressant sur ce que pourrait être l’Internet européen sous la directive copyright. La technologie de contrôle n’est a priori simplement pas assez mature et se révèle être un handicap à la création et à l’entreprise.
 
L’UE aboutit à un texte limitant les libertés individuelles en limitant les valeurs qui ont fait Internet depuis sa création. L’UE en agissant ainsi, avec un texte contraignant pourrait affaiblir durablement son industrie du numérique, un secteur où elle possède déjà un retard conséquent en regard du reste du monde.




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