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Développement de la finance islamique : une voie alternative


Samedi 28 Septembre 2013



L’ouverture en 2004 d’une banque islamique au Royaume-Uni et la multiplication des filiales spécialisées de banques occidentales dans les pays musulmans témoignent d’une diversification sans précédent de l’offre des produits financiers. Fait économique extrêmement récent, dû à la fois à l’affirmation des pays du Golfe comme acteurs majeurs de la finance, mais également à l’évolution politique des pays musulmans depuis 2010, la finance islamique, tout comme ses produits, commence à être considérée comme une possibilité sérieuse, quitte à bousculer les usages établis.



Développement de la finance islamique : une voie alternative
Après les pays du Golfe, le Pakistan et l’Indonésie, les pays secoués par les processus révolutionnaires au Maghreb et au Machrek semblent de plus en plus s’ouvrir au modèle financier « islamique ». Si l’expression « prêt charia compatible » peut surprendre, le nombre de pays concernés, le nombre de pays concernés par ce modèle en expansion pousse les investisseurs, y compris non-musulmans, à des considérations tout à fait sérieuses.

La finance islamique, c’est-à-dire qui s’inscrit dans le cadre de la charia, « normativité révélée », repose, comme le stipule le fiqh, le droit musulman, sur les principes de halâl (licite) et de harâm (illicite). L’axiome de départ est la considération de l’intérêt, « ribâ », comme non seulement illégal, mais immoral. Dès lors, comment produire un système financier si florissant tout en prohibant l’usure et en condamnant l’épargne ?

La subtilité réside dans le fait que la finance islamique décline, en réalité, des produits équivalents, dans une certaine mesure, aux produits financiers classiques. Le plus répandu est le sukk (plur. Sukûk), similaire à une obligation. Cependant, la différence primordiale, c’est qu’au lieu de prendre la forme d’une dette contractant une rémunération du créancier par des intérêts fixes ou variables, ce dernier touche une part du profit engendré par l’actif financé.
Ce produit financier est le plus diffusé aujourd’hui hors du monde musulman. Arrivé en 2004 au Royaume-Uni, émis en 2011 en Allemagne, en France, au Luxembourg et en Russie, il séduit de plus en plus. Pourquoi un tel engouement, chez les créditeurs comme chez les contractants ?

De nouvelles opportunités

D’une part, le poids considérable des investisseurs musulmans en Europe est indéniablement à prendre en compte, tout comme l’importance démographique des minorités musulmanes. Mais surtout, et c’est là la force de ce modèle financier qui s’inscrit clairement dans une lignée « alternative » à la finance classique, qui a vu son image se détériorer considérablement depuis 2008. La finance islamique apparaît comme participant d’un modèle plus éthique, plus solidaire. À tel point que la situation devient tout simplement inédite : loin de se limiter à singer le modèle islamique, des acteurs financiers non-islamiques s’apprêtent à recourir à ces produits dans des pays non-musulmans.

Jadis, Venise imposait le commerce occidental aux Ottomans. Par un étrange retour des choses, les rapports financiers entre pays non-musulmans et occidentaux pourraient-ils être appelés à être régis, sur le long terme, selon des principes islamiques ? On peut en douter fortement. Ce qui n’empêche pas d’affirmer que ce modèle financier, s’il n’est pas le seul à connaître un essor considérable, notamment auprès des particuliers, est appelé à se répandre dans des proportions importantes. En témoigne l’ouverture, en novembre 2009, d’un master « principes et pratiques de la Finance Islamique » à l’Université de Paris-Dauphine.

Le nouveau champ des possibles offert par la diffusion des produits financiers islamiques semble offrir de nombreuses opportunités aux consommateurs et aux investisseurs, institutionnels ou non, et entraîne sans doute avec lui la modification d’une pensée associant l’impératif éthique aux affaires.
Si ce modèle n’est pas près de s’imposer de manière prépondérante hors du dar al-islam (littéralement « domaine de l’islam »), son emploi croissant et l’image positive dont il bénéficie sont une illustration du déficit de confiance durable dont pâtit la finance « classique ».




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