SenseMaking
 



L’accompagnement : un mode de vie essentiel dans une société post-moderne?


Danièle Boulard
Vendredi 10 Juin 2016



Dans ce nouveau dossier, Sensemaking vous invite à découvrir une notion qui irrigue notre société contemporaine, et pourtant trop peu connue : l'accompagnement. Pour nous éclairer, nous avons fait appel à la chercheure Danièle Boulard, qui s’intéresse, depuis quelques années, à cette thématique transversale. Elle nous livre ici le fruit de ses recherches mais également de son expérience. Ce premier article inaugure une série de chroniques. Curieux? Danièle Boulard nous accompagne dans cette plongée riche de sens.



Qu’est-ce que l’accompagnement?

Source: Pixabay
Source: Pixabay
Je commence par une citation de Michel Vial (2010 : 11) (1) qui illustre ce phénomène : « Pour traverser un ruisseau, je peux m’aider d’un tronc d’arbre. Je ne dirai pas pour autant que l’arbre (tout arbre) est fait pour aider. Il se trouve que je me suis servie de celui-ci et si “ça m’a aidé”, c’est parce que j’ai capté ce en quoi il pouvait faciliter mon passage, je l’ai utilisé pour atteindre la rive. De là à dire que tous les arbres sont aidants, et ce qui caractérise l’arbre, c’est qu’il permet d’aider! Et qu’en étudiant l’arbre, on trouvera les critères de l’aide… tour de passe-passe fort courant ».

Il n’est pas donné à tout le monde d’être accompagnateur; ce rôle demande des qualités particulières et une volonté d’aider; par ailleurs, l’accompagné choisit son accompagnateur pour plusieurs raisons parmi lesquelles on retrouve entre autres des affinités communes et le goût d’être secondé, de s’améliorer.

En somme, lorsque nous sommes en relation avec un accompagnateur, nous devons ressentir une certaine force, une expertise, un don qui nous aide « à traverser le ruisseau ». Ainsi, l’accompagnateur est là pour donner à l’accompagné l’élan nécessaire pour « voler » de ses propres ailes.

Avant de regarder les jalons sémantiques entourant l’accompagnement, j’aimerais vous faire part de deux expériences personnelles. Ma première est d’ordre professionnel, alors que j’étais directrice des services aux étudiants pour une grande entreprise multinationale. J’ai eu la chance d’avoir un directeur qui m’a accompagnée dans mon cheminement au sein de la compagnie, me permettant, entre autres, de gravir les échelons et de gagner beaucoup d’assurance. Concrètement, ce cadre me posait des questions pour que je réfléchisse à mes gestes et paroles; il m’écoutait beaucoup et s’asseyait régulièrement avec moi après la journée de travail pour en dresser le bilan, me laissant souvent avec des pistes de réflexion. Cette relation m’a donné des ailes et a favorisé la poursuite de ma carrière avec plus de confiance et de détermination.

Ma seconde expérience est liée à la rédaction de ma thèse. Ma directrice m’amenait à me questionner et me suggérait des lectures propres à alimenter ma réflexion. Elle était un phare pour moi, une personne sur laquelle je pouvais m’appuyer en toute confiance. Je me sentais à la fois libre et soutenue, deux sentiments qui m’ont permis de poursuivre la rédaction de ma thèse avec plus d’assurance et détermination. D’autres exemples me viennent à l’esprit, mais je vais m’arrêter ici, l’idée de départ étant d’illustrer la notion d’accompagnement.

Poursuivons avec une revue sémantique des termes utilisés en matière d’accompagnement; coaching, mentorat, tutorat, parrainage sont tous utilisés, souvent indistinctement, pour désigner une forme d’accompagnement, sans que l’auteur en connaisse la réelle signification. Voyons un peu ce qu’il en est. Maela Paul (2004 : 79) définit le coaching comme « un ensemble de moyens », où le coach entraîne, dirige et observe. Pour l’auteure, le terme mentorat, quant à lui, désigne la relation existant entre un mentor et un mentoré, le premier guidant, éduquant, éveillant et conseillant le second. Quant au tutorat, l’auteure y rattache les notions de soutien, de surveillance et d’assistance (Ibid., 77), alors qu’elle lie plutôt le parrainage au rôle que joue un parrain auprès d’un protégé, l’accueillant et l’introduisant dans un nouveau milieu, allant même jusqu’à veiller à sa bonne intégration.

Michel Vial quant à lui met en lumière les multiples significations inhérentes à la notion d’accompagnement; pour ce faire, l’auteur fait entre autres appel à un « champ lexical composé de trois verbes : conduire, guider, escorter » mis de l’avant par Maela Paul (Vial et Capparos-Mencacci, 2007 : 25) (2) .  Le fait de conduire renvoie à l’idée d’orienter la personne accompagnée, ou compagnon, dans une direction. Guider va plus loin, ajoutant la notion de mettre en évidence pour le compagnon les obstacles qui pourront surgir. Enfin, escorter consiste à offrir de l’aide au compagnon, à le protéger en cas de difficultés.

Je me dois de souligner le fait que l’accompagnateur ne joue pas adéquatement son rôle lorsqu’il outrepasse la liberté de l’accompagné; cette règle peut ne pas s’appliquer à un coach, un mentor, un tuteur ou un parrain, ceux-ci devant souvent respecter des objectifs prescrits par l’institution au sein de laquelle ils évoluent.

J’ai choisi de parler d’accompagnement, car cette notion englobe toutes les autres; elle est donc moins précise que celles-ci. Le mentorat par exemple ajoute la notion de modèle, très éloignée du tutorat et du coaching, ces derniers s’inscrivant souvent au sein de programmes prescrits ayant un but particulier à atteindre. Le parrainage quant à lui est souvent, mais non exclusivement, lié à l’immigration. En somme, l’accompagnement se caractérise par la liberté qu’il autorise aux deux personnes en relation, permettant à celles-ci d’aller l’une vers l’autre sans attente ou résultat anticipé.

Dans ma prochaine tribune, je me pencherai sur les questions suivantes : l’accompagnement est-il une notion nouvelle? Avons-nous besoin d’être accompagnés comme individu? Quels sont les avantages et les désavantages d’une telle relation? Quels sont les contextes les plus appropriés pour accompagner quelqu’un? Ma réflexion m’amènera à envisager l’accompagnement dans différents contextes : éducation, carrière, intégration à un nouveau milieu (travail ou immigration) et bien d’autres.
 
(1) Sous la direction de Michel Vial. Le travail des limites de la relation éducative : Aide? Guidage? Accompagnement? Analyse des pratiques. Éditions L’Harmattan, 2010
(2)Michel Vial et Nicole Caparros-Mencacci. L’accompagnement professionnel? Méthode à l’usage des praticiens exerçant une fonction éducative. Éditions De Boeck & Larcier s.a., 2007

Danièle Boulard est détentrice d’un baccalauréat en psychosociologie (1997), d’une maîtrise en communication (2000) et d'un doctorat en communication (2012) tous les trois obtenus à l’Université du Québec à Montréal.Son mémoire de maîtrise porte sur les relations entre le mentor et le protégé et les attentes de ces deux acteurs au sein d’une relation mentorale; sa thèse de doctorat quant à elle présente le mentorat comme outil d’intégration des immigrants.Actuellement chercheure autonome, elle travaille depuis 2004, avec les équipes de recherche du professeur Benoit Duguay ; elle a été impliquée dans plusieurs études réalisées pour la Ville de Montréal et d'autres organismes. Elle a précédemment fait carrière au sein d'une entreprise multinationale en formation professionnelle, entre autres comme directrice des services aux étudiants puis comme directrice de succursale.

Retrouvez Danièle Boulard sur http://duguay.org/db/




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