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Le dialogue, pierre angulaire de la réussite du chantier du siècle


La Rédaction
Jeudi 27 Janvier 2022



Lancé en 2010, le projet du Grand Paris Express a déjà bien avancé. Une nouvelle salve d’appels d’offres est en cours, pour laquelle le donneur d’ordre – la Société du Grand Paris – va désormais confier la conception des travaux à ceux qui les réaliseront. Voici un retour d’expérience en trois épisodes avec l’une des entreprises attributaires, Eiffage Génie Civil, pour qui le dialogue avec toutes les parties prenantes s’est imposé comme un atout.



Les dessous du Grand Paris Express (1ère partie)

L’Europe entière a les yeux rivés sur le Grand Paris. Et pour cause, le chantier du Grand Paris Express (GPE) est vraiment hors norme, avec 200 kilomètres de tunnels, 68 gares, quatre nouvelles lignes automatiques de métro... Pour réaliser ce nouveau réseau de transport en commun, la Société du Grand Paris (SGP) a fait appel à tous les grands groupes du BTP français ainsi qu’à des ETI, chacun apportant ses spécificités et ses pratiques. Connue du grand public pour le viaduc de Millau et le Grand Stade de Lille, respectée par ses pairs pour différents chantiers comme la LGV Bretagne-Pays de la Loire, l’autoroute A65 ou le High Speed 2 en Angleterre, Eiffage fait naturellement partie des entreprises attributaires du Grand Paris Express.
 

Appels d’offres du GPE : l’avant et l’après 2019

L’histoire mérite un coup d’œil dans le rétroviseur. Initié en 2010, le projet du Grand Paris Express voit les premiers coups de pioches en 2016. Durant cette période initiale, la Société du Grand Paris (SGP) lance toutes les études nécessaires et sélectionne, parmi les plus grandes sociétés d’ingénierie françaises, celles qui seront chargées de concevoir les différents projets. Ensuite sont sollicitées les entreprises qui assureront la réalisation des projets retenus. Parmi elles, Eiffage répond aux premiers appels d’offres en 2014 pour la Ligne 15-Sud, alors tronçonnée en huit lots d’environ un milliard d’euros chacun. « Les premiers appels d’offres de la SGP faisaient suite à ceux lancés par la RATP pour le prolongement de la Ligne 14-Nord vers Mairie de Saint-Ouen et celui de la Ligne 11 vers Rosny-sous-Bois, se souvient Benoît Maureau, directeur chez Eiffage Génie Civil. Eiffage a répondu à ces appels d’offres comme nous le faisons régulièrement, avec la volonté de présenter le prix le plus attractif et le dossier technique le plus étayé possible afin de répondre aux notations multicritères qu’imposent les maîtres d’ouvrage dans leurs règlements d’appels d’offres. »
 
Cette première salve d’appels d’offres était alors purement liée à des activités de génie civil, de fondations et de terrassement, les études de conception ayant été réalisées en amont. « Les trois objectifs étaient alors de répondre aux contraintes de planning fixées par la SGP – voire de faire mieux –, de proposer un niveau de détails techniques (méthode, cinématique, etc.) qui puisse rassurer les maîtres d’ouvrage sur nos capacités, et enfin d’attacher une importance toute particulière à la maîtrise des risques, précise Benoît Maureau. Dans les métiers du souterrain, ce dernier point est essentiel. ». Début 2018, la Société du Grand Paris attribue également le lot 1 de la Ligne 16 au groupe Eiffage. Au programme de ce marché de près de 2 milliards d’euros, 20km de tunnel et 25 ouvrages, dont 4 gares : La Courneuve-Six-Routes, Le Bourget RER, Le Blanc-Mesnil et surtout le grand hub de Saint-Denis-Pleyel, l’une des gares les plus importantes du nouveau réseau.
 

Nouveaux appels d’offre : vers la conception-réalisation

Depuis, la SGP a changé son logiciel pour les nouveaux appels d’offres : désormais, elle va opter pour des contrats de conception-réalisation. Les entreprises de génie civil ne seront plus là que pour couler du béton, mais pour concevoir en amont les futurs ouvrages. Eiffage est aujourd’hui placé sur des appels d’offre concernant des lots de la Ligne 15-Ouest entre Pont de Sèvres et Saint-Denis et sur la Ligne 15-Est entre Champigny-sur-Marne et le Stade de France, méga-lots d’un à plusieurs milliards d’euros chacun. « Il faut distinguer deux époques dans les appels d’offres du GPE, souligne Pascal Hamet, directeur du projet du lot 1 de la Ligne 16 chez Eiffage Infrastructure. Les premiers d’entre eux – les appels d’offres classiques – regroupaient un maître d’ouvrage, un maître d’œuvre et une entreprise. C’est le cas des chantiers en cours. La deuxième salve d’appels d’offres est différente : c’est là où Eiffage présente une vraie valeur ajoutée, car nous sommes susceptibles de proposer des variantes aux projets envisagés initialement, visant notamment à les rendre moins couteux, et à les réaliser plus rapidement. En effet, comme nous pilotons d’une part la conception, et d’autre part la réalisation, cela nous permet d’avoir une vision intégrée des deux phases, et donc d’en assurer logiquement l’optimisation. Nous pouvons aussi proposer des méthodes plus innovantes que celles imaginées par le concepteur au moment où il lance l’appel d’offres. »
 
Il y a deux ans, la SGP décide donc de modifier son mode de dévolution des opérations afin de gagner en efficacité. Le modèle conception-réalisation s’impose, les règles du jeu changent. « En choisissant de donner la conception au candidat constructeur, la SGP élargit notre champ d’action, avec le transfert des risques afférents : nous prendrons donc en charge la conception et les travaux proprement dits, ajoute Benoît Maureau. Nous ne nous limiterons pas seulement au génie civil, nous intégrerons l’ensemble des corps d’état techniques et architecturaux dans les gares ainsi qu’une bonne partie des systèmes. Ces appels d’offre conception-construction s’étalent sur environ deux ans, nous devons donc avoir un discours de vérité avec nos clients. Nous nous permettons ainsi de dire ce qui est perfectible dans les appels d’offres, cela nous paraît nécessaire pour que le projet, in fine, se fasse dans de bonnes conditions. Ce discours de vérité reste un élément de base de notre stratégie. »
 
Dans le paysage du BTP français, Eiffage insiste sur cette capacité d’intégration de tous les métiers. Celle-ci est en effet déterminante pour relever le défi de la conception-réalisation de façon optimale. Selon les projets le groupe associe tout ou partie de ses différentes branches, sous la houlette de la plus appropriée d’entre elles selon le cas d’espèce : Eiffage Génie Civil, Eiffage Construction, Eiffage Energie Systèmes, Eiffage Terrassement, Eiffage Fondations, Eiffage Génie civil réseau, Eiffage Rail, Eiffage Routes pour les déviations de voirie… Toutes les directions techniques du groupe sont parties prenantes. « L’ensemble du couteau suisse d’Eiffage est déployé sur ce type d’appels d’offres, détaille Benoît Maureau, tout en assurant au maître d’ouvrage de n’avoir qu’un seul interlocuteur avec lequel dialoguer. Charge à cette « tête d’affiche » d’assurer la coordination de l’ensemble des intervenants. Grâce à notre culture « familiale », cette entité pilote sans heurts préjudiciables l’ensemble des forces du groupe affectées au projet. Eiffage est une entreprise qui a certes à la taille d’une “major” mais qui cultive avec soin ses valeurs humaines. Nous sommes considérés comme des professionnels qui “savent faire”, y compris des très gros chantiers, tout en étant toujours soucieux du relationnel, du côté humain et de la qualité des relations avec nos clients. »
 
Dans les contrats en cours d’attribution, l’ensemble des prestations seront donc du ressort d’une seule et même entreprise. La seule chose que celle-ci ne réalisera pas sera le système de transport proprement dit et son pilotage automatique. « La conception-réalisation permet au client de se reposer sur l’entreprise pour l’optimisation du projet, selon deux logiques complémentaires, analyse Guillaume Sauvé, président d’Eiffage Génie Civil. En matière de coût, l’entreprise est libre de ses solutions techniques. En matière de gestion de projet, c’est à l’entreprise menante d’un groupement qu’incombe la coordination et l’interface technique entre tous les lots, avec tous les contributeurs, débarrassant le client de ces taches chronophages. La SGP peut alors se concentrer sur le dialogue avec les parties prenantes, et la mise en cohérence globale du projet. » Car ce dialogue permanent est l’une des conditions de la réussite des chantiers.
 

Dialogue permanent avec le terrain

Sur le terrain, en pleines zones urbaines habitées, les chantiers sont colossaux et étalés sur plusieurs années. Le dialogue entre la SGP, les entreprises commissionnées et les élus locaux est donc primordial pour que l’impact des chantiers soit le plus léger sur les collectivités et sur les riverains. « Côté parties prenantes, je souhaite que nous approfondissions toujours davantage ce qui fait une des plus-values d’Eiffage : sa capacité à tisser des liens avec tous les acteurs sur le terrain, définit Guillaume Sauvé. Tout ce que nous construisons, tunnel, pont, route, port, a une finalité humaine : le déplacement, le travail, le logement, bref, l’amélioration de la vie des gens, dans un endroit donné, des conditions données. Cela ne peut se concevoir sans être à l’écoute des bénéficiaires, ni être force de proposition à toutes les étapes. Je crois qu’Eiffage Génie Civil est déjà très bon de ce point de vue, et nous devons creuser l’écart pour cet avantage compétitif. »
 
La vie n’est évidemment pas un long fleuve tranquille sur ces chantiers hors normes. En cas de problématique à régler, l’interface se fait directement par l’intermédiaire de la SGP, qui associe tous les acteurs des travaux et les maires. « L’exemple de la gare de Saint-Maur-Créteil est très significatif, remarque Benoît Maureau. Il existe déjà une gare du RER A à Saint-Maur-des-Fossés, au milieu de la ville, la nouvelle station de la Ligne 15 devant assurer la correspondance entre les deux réseaux. Nous avons eu une relation très étroite avec le maire Sylvain Berrios pour établir un protocole d’une vingtaine de points. Ce protocole a précisé un certain nombre de mesures que nous avons prises pour atténuer les nuisances, inhérentes à ces chantiers. Cela a été l’occasion d’instaurer un dialogue constant, et d’excellentes relations avec l’équipe municipale. Nous avons eu ce rôle facilitateur avec le maire, ce qui a permis d’asseoir une relation de confiance exemplaire avec lui. »
 

Intégration et co-activité, spécificités d’Eiffage

Sur les chantiers du GPE, le dialogue se fait également en interne, au sein même des entreprises commissionnées. Les grands groupes du BTP français sont tous le fruit d’une histoire et d’une culture propre. Eiffage ne fait pas exception : en 1993, le groupe naît de la fusion de plusieurs entreprises, représentant chacune des métiers spécifiques. « Le rôle d’une entreprise comme Eiffage est de pouvoir faire travailler ensemble toutes ces cultures qui sont silotées et juxtaposées, à l’occasion d’un projet donné », précise Imed Ben Fredj, directeur des supports opérationnels chez Eiffage Génie Civil. Cette stratégie d’organisation remonte à 2011, au lancement des travaux de la ligne LGV Bretagne-Pays de la Loire. Pour ce chantier, Eiffage avait eu recours à de nombreux métiers et avait dû faire face à l’évolution permanente des réglementations et aux mises à jour du cahier des charge, durant toute la durée des travaux. « Notre spécificité est double, ajoute Imed Ben Fredj. D’abord, elle passe par cette intégration tacite de tous les métiers de la construction, et même de ceux de nos partenaires. Même dans le cas où nous faisons intervenir des partenaires extérieurs, nous restons leaders de nos projets, comme cela a été le cas sur la LGV où nous avons travaillé avec des entreprises spécialisées dans les essais post-travaux. Ensuite, la seconde spécificité tient à l’organisation des projets qui est en réalité une délégation de pouvoirs à un chef de projet et à ses équipes dédiées. En général, la réussite d’un projet tient à la prise de décision en fonction des aléas qui surviennent tous les jours. Un projet sans aléas, cela n’existe pas. »
 
Les prochains chantiers du GPE sont donc dans les tuyaux, et le temps presse pour tenir les délais. « Le délai global des opérations a nécessité de mettre en place une co-activité sur les chantiers actuels (dits classiques), co-activité qui sera par nature de mise sur les prochains chantiers en conception-réalisation, explique Pascal Hamet. Nous mettons à disposition les zones déjà terminées par Eiffage aux prestataires extérieurs, certains d’entre eux étant d’ailleurs d’autres branches d’Eiffage. Nous faisons donc déjà de la co-activité avec d’autres entités d’Eiffage. Cela constitue pour nous un entraînement pour les chantiers de demain qui seront attribués lors des prochains appels d’offres, dossiers qui nécessitent d’impliquer tous les autres corps d’état permettant de livrer un projet clé en main. »
 
Aujourd’hui, les chantiers du GPE sont de véritables ruches où se croisent de nombreux métiers différents. L’expérience acquise lors des cinq premières années de travaux servira aux prochains chantiers. Le Grand Paris Express sera achevé par étapes, avec comme premier horizon les Jeux olympiques de 2024, l’intégralité du réseau devant être opérationnelle en 2030. Mais ça, c’est une autre histoire.
 











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