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Nationalisation : de Mittal aux autoroutes, une recette made in Montebourg à utiliser à bon escient


Mardi 18 Janvier 2022





Toujours candidat à l’élection présidentielle de 2022, Arnaud Montebourg distille les clés pour réussir la Remontada du pays. Fidèle à sa réputation de chantre du Made in France, il fait la part belle à l’économie, multipliant les propositions pour soutenir les entreprises françaises. Beaucoup d’idées fortes et quelques points d’interrogations à lever.
 
La remontada de la France, c’est le mot d’ordre qu’a choisi Arnaud Montebourg pour sa campagne en vue de l’élection présidentielle 2022. Un leitmotiv emprunté au vocabulaire sportif que le candidat applique donc à la politique et qu’il décline en plusieurs propositions dans son programme, à savoir la remontada des salaires, des territoires, de la planète, de la République, et enfin, la remontada industrielle.
 
Sur ce dernier point, Arnaud Montebourg affiche de grandes ambitions pour la France. « C’est remonter de cinq points de richesse nationale notre industrie pour rattraper l’Espagne et l’Angleterre. C’est se remettre à fabriquer sur le sol national la soixantaine de produits critiques que nous importons au prix de notre souveraineté perdue : dans l’électronique, la pharmacie, l’alimentation, le machinisme. Cette Remontada Industrielle représente si nous réussissons entre 300 et 400 usines à reconstruire dans nos régions », explique-t-il sur le site officiel de sa campagne. Pour cela, le chantre du Made in France compte bien passer à la vitesse supérieure. « Je veux faire une politique du made in France taille XXL », a-t-il déclaré au micro de « La grande Tribune de la présidentielle » le 19 novembre dernier.
 
Délit de trahison économique et réindustrialisation
 
Fidèle aux convictions qu’il portait déjà lorsqu’il était ministre de Redressement productif dans le gouvernement de Jean-Marc Ayrault puis dans celui de Manuel Valls, Arnaud Montebourg fait de la lutte contre le démantèlement des fleurons de l’économie française son cheval de bataille. Pour cela, le candidat propose une mesure inédite et radicale : la création d’un délit de trahison économique. « Chaque fois qu’il y a eu des ventes à l’étranger, il y a eu des gros chèques qui sont arrivés sur les comptes des dirigeants. Maintenant, ça suffit ! Je considère que tous ces vendeurs à la sauvette de la France en pièces détachées doivent maintenant répondre de leurs actes devant la justice avec une responsabilité pénale pour trahison économique », explique-t-il. Arnaud Montebourg estime en effet que l’élite dirigeante de notre pays a laissé mourir un certain nombre de fleurons de notre économie, citant notamment les exemples d'Alstom, de Technip, d’Alcatel, de Lafarge, d’Essilor, de Suez et plus récemment d’Engie et Ariane.
 
Par ailleurs, la France l’a appris à ses dépens en 2020 : elle est fortement dépendante des pays étrangers dans plusieurs secteurs-clés de l’économie, comme l'énergie, l'agriculture, les médicaments ou encore la défense. Pour y remédier, Arnaud Montebourg compte bien engager un vaste plan de relocalisation de notre industrie. Pour cela, il envisage d’aider financièrement les entreprises qui souhaitent rapatrier leur production en France, prenant exemple sur le Japon, qui a mis sur la table plus de 57 milliards de yens, soit deux milliards d’euros, afin de relocaliser son industrie et aider les sociétés nippones installées en Chine à revenir au pays. Outre cette aide financière, Arnaud Montebourg n’hésite pas à faire une proposition forte, quitte à s’affranchir des règles de l’Union européenne pour redonner à la France sa souveraineté économique. En effet, il souhaite « une modification de l’article 88 qui permettra au Parlement, quand l’intérêt national est en jeu, d’écarter pendant par exemple 10 ans les règles européennes relatives aux aides d’Etat, à la commande publique et aux restrictions sur les ententes ». Et pour faciliter encore davantage la réindustrialisation de notre pays, et en particulier celle des territoires désindustrialisés, Arnaud Montebourg se dit favorable à la création de zones économiques spéciales où, justement, il sera possible de faire abstraction des lois européennes. Avec cet arsenal de mesures, le candidat de la Remontada ambitionne ni plus ni moins que de créer un nouvel Alcatel , un nouveau Péchiney et un nouvel Alstom .
 
Des nationalisations comme réponse à tout ?
 
Digne héritier du Ministre du Redressement productif qu’il était, le candidat Montebourg compte aussi activer le levier de la nationalisation quand la situation l’exige. On se souvient qu’il avait mis toutes ses forces dans la bataille pour une nationalisation de l’usine sidérurgique de Florange quand le groupe ArcelorMittal souhaitait fermer les hauts fourneaux lorrains, mais qu’il avait été désavoué par Jean-Marc Ayrault. En 2017, alors qu’il n’était plus au gouvernement, mais candidat à la primaire socialiste, là encore, Arnaud Montebourg défendait le principe de la nationalisation, à condition qu’elle se fasse à bon escient. « La nationalisation d'une banque est un outil nécessaire. C'est la transformation concrète du système économique, reprendre la main sur le secteur financier pour le mettre au service de l'économie réelle », avait-il alors expliqué. La même année, il plaidait d’ailleurs pour une nationalisation d’Alstom afin d’empêcher la vente de la branche ferroviaire du groupe français à l’allemand Siemens. Plus récemment, il appelait encore et toujours à la nationalisation du site de Bridgestone de Béthune, fustigeant l’État qui n’aurait, selon lui, « pas pris les moyens pour organiser la protection de nos intérêts industriels. »
 
Il n’est donc pas surprenant qu’il soit à nouveau question de nationalisation dans son programme pour l’élection présidentielle. Le hic, c’est qu’en proposant de renationaliser les autoroutes, pas sûr qu’il ait bien pesé le pour et le contre. Déjà parce qu’en intégrant cette mesure dans son programme, il se retrouve de facto dans le camp des populistes, étant donné que Marine Le Pen et Jean-Luc Mélenchon font la même proposition. Mais surtout parce que cette idée semble plus dictée par des raccourcies intellectuels que par la raison. En effet, outre le fait qu’un rachat anticipé des concessions coûterait entre 40 et 50 milliards d’euros à l’État, on voit mal où, en ces temps de crise, il pourrait en plus trouver les milliards d’euros nécessaires à la gestion et à l’entretien des autoroutes. « Il faut reconnaître le savoir-faire des prestataires au regard de la qualité du réseau autoroutier. Je ne sais pas si l’État serait capable d’en faire autant… », pointe le sénateur Vincent Delahaye, qui connaît bien le dossier puisqu’il a été rapporteur d’une commission d’enquête de la chambre haute sur « le contrôle, la régulation et l’évolution des concessions autoroutières  ». Bref, si globalement, le programme économique d’Arnaud Montebourg regorge d’idées fortes, elles ne sont pas toutes transposables à tous les secteurs et à tout moment.










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