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L’École de Francfort ou la pertinence de l’interdisciplinarité


Mardi 18 Septembre 2012



Adorno, Horkheimer, Habermas, Marcuse sont quelques-uns des sociologues traditionnellement regroupés sous la bannière de l’« École de Francfort ». Cette appellation désigne classiquement les tenants de la sociologie allemande critique, d’inspiration marxiste développée dans les années 1920-1930 à l’Institut de Recherche Sociale de l’Universite Goethe de Francfort. Est-il toutefois légitime de parler d’école lorsque l’on connaît la diversité des itinéraires intellectuels et géographiques des scientifiques rassemblés sous cette appellation ? C’est la question que pose Jean-Marc Durand-Gasselin, docteur en philosophie, dans son premier livre intitulé L’École de Francfort(1).



L’École de Francfort ou la pertinence de l’interdisciplinarité
Aux origines du livre de Jean-Marc Durand-Gasselin, il y a un constat : les représentants d’un des principaux efforts sociologiques européens du XXe siècle sont rassemblés sous une étiquette donc la pertinence est contestable. Le parcours des sociologues de l’école de Francfort est en effet caractérisé par une « dynamique centrifuge » qui remet en question la capacité de ces scientifiques à forger une véritable tradition académique et théorique.
 
Pour Jean-Marc Durand-Gasselin, l’appellation d'École de Francfort est inexacte, car excessive. En effet, les scientifiques auxquels fait référence cette appellation ont connu des itinéraires très variés. Les premiers d’entre eux, et notamment Adornor et Horkheimer, ont fui le nazisme et se sont exilés aux États-Unis. Plus tard, des figures comme Habermas développent une réflexion tout à fait différente de ces prédécesseurs portant sur le contexte reconstruction démocratique de l’Allemagne jusqu’à la fin des années 1970. Les scientifiques de la troisième génération de l’École de Francfort, à l’instar de Honneth, réalisent enfin des travaux très inspirés d’Habermas et de la crise du capitalisme qui marque leur époque. À chaque génération, Jean-Marc Durand-Gasselin met en évidence les ruptures thématiques qui parcourent les publications des tenants de l’École de Francfort et soulève une question : quels éléments rassemblent les membres de ce projet scientifique ?
 
L’identité de l’École de Francfort se trouve moins dans une hypothétique tradition théorique que dans une épistémologie commune dont le fruit est « un type de théorie » que Jean-Marc Durand Gasselin s’efforce d’identifier et de décrire. Ces théories ont pour fondement commun la démarche critique et l’interdisciplinarité mise au service d’une science sociale étudiant l’homme et sa quête d’émancipation dans la société capitaliste. Ce projet initial ainsi formulé par Horkheimer explique notamment pourquoi ont trouvent parmi les travaux attribués à l’École de Francfort des études sociologiques de premier plan comme celles de Max Horkheimer aussi bien que les analyses littéraires de Walter Benjamin.
 
Appellation sujette à controverse, l’École de Francfort rassemble des chercheurs en science sociale allemands au profil très disparate. N’ayant pas pour objet d’édifier une théorie sociologique unifiée, les tenants de l’École de Francfort se reconnaissent en effet par la grande souplesse scientifique et intellectuelle de leur démarche : animés par une volonté critique d’étudier la société capitaliste, les travaux de l’École de Francfort tirent leur pertinence de leur complémentarité sur le spectre des sciences humaines. Au fil du temps, le projet de l’École de Francfort a d’ailleurs évolué. Il revient à Jean-Marc Durand-Gasselin de parvenir à le montrer tout au long de son développement, illustrant ainsi de manière filée la dynamique unique de cette démarche scientifique dont l’objet n’a en rien perdu de son intérêt aujourd’hui.
 


(1) DURAND-GASSELIN, J.-M., L’École du Francfort, Gallimard, avril 2012, 568 pp..










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