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Le chef démocratique, un contre-pouvoir insoupçonné


Mardi 20 Novembre 2012



Et si l'autorité politique était un contre-pouvoir ? C'est en somme ce que suggère Jean-Claude Monod dans son dernier livre. Dans Qu'est-ce qu'un chef en démocratie(1), ce chargé de recherche au CNRS et enseignant à l'ENS Paris fait un réexamen de la figure du chef et de sa contribution à l'équilibre politique. Il remet ainsi en perspective de façon originale les enseignements de Max Weber.



Le chef démocratique, un contre-pouvoir insoupçonné
Dans son ouvrage, Jean-Claude Monod exhume ce qui s'impose comme l'une des thèses les plus actuelles de Weber : le chef, et sa légitimité charismatique sont « l'une des seules contre-forces capables de s'opposer à la “loi sans loi” de la domination économique pure ». À l'heure où le marché régit une part significative de la vie de la cité, le leader politique continuerait, paradoxalement, d'être un rempart démocratique d'autant plus indispensable. C'est toute l'ambition de Jean-Claude Monod que de le démontrer.
 
L'auteur en appelle en effet à la réhabilitation de la figure du chef. Il s'agit pour lui d'une des figures les plus « conjurées » de notre époque. Cela s'explique notamment par l'Histoire du XXe siècle, encore récente et marquée par les « pathologies de charisme » déclinées sous autant de régimes totalitaires. La désaffection du chef trouve également son explication dans l'accompagnement de la démocratisation au XXe siècle par l'émergence du marché. Le résultat de ces phénomènes historiques concomitant n'est autre qu'une délégitimation de la figure du chef, dès lors reléguée parmi les archaïsmes de l'Histoire, par les individus.
 
Pourtant, le chef politique remplissait et remplit toujours aujourd'hui des fonctions qui le rendent nécessaire, et même souhaitable pour la démocratie. C'est là la thèse que Jean-Claude Monod n'a de cesse de défendre. Car si le totalitarisme fut une dégénérescence pathologique de la domination charismatique, que dire des hommes qui l'ont défait. Martin Luther King, Roosevelt, de Gaulle n'étaient-ils pas aussi des chefs, cette fois empreints d'un « charisme favorable au fonctionnement, voire à l'approfondissement de la démocratie » ? Étudiant de nombreux exemples de chefs démocratiques, Jean-Claude Monod met ainsi en exergue certain de leur point commun. Parmi eux, on retrouve avant tout la situation d'égalité entre dirigeants et dirigés, mais aussi cette volonté, précieuse, de « transgression positive de la seule normativité du marché ».
 
L'existence d'un chef désigné par le peuple et étant son égal participe donc d'un renforcement de la démocratie de façon inattendue selon Jean-Claude Monod. Le chef s'érige ainsi notamment en barrière et s'oppose à l'autorité du marché, et à la domination économique. Si la thèse de Jean-Claude Monod est claire, son développement au fil de l'ouvrage n'en élude pas moins quelques subtilités. Explorant la notion centrale de son livre au travers de va-et-viens historique et philosophiques, l'auteur en ne se soustrait pas à la quasi-contradiction de ses postulats wéberien lorsqu'il mentionne ces « nombreuses formes actuelles d'invention démocratique […] qui s'efforce d'éviter l'émergence de meneurs ». Loin de glorifier les fonctions du chef démocratique sous la forme que nous connaissons aujourd'hui, Jean-Claude Monod préfère ainsi en proposer un examen riche et contrasté. Une tache complexe, mais passionnante à l'image de cet ouvrage.
 
 
 (1) MONOD, J.-C., Qu’est-ce qu’un chef en démocratie, Seuil, L’ordre philosophique, Paris, 2012, 320 pp..










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