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L’entreprise familiale : pourquoi un tel regain d’intérêt ?


La Rédaction
Mercredi 22 Avril 2015



Longtemps jugée « has been », l’entreprise familiale fait aujourd’hui les choux gras de la presse économique. Les valeurs inhérentes à ce type d’entreprise lui confèrent une image nouvelle, loin de celle, poussiéreuse, qu’il véhiculait autrefois.



(Public Domain)
(Public Domain)
Des valeurs qui paient
 
Mêlant destins entrepreneuriaux, familiaux et individuels, l’entreprise familiale a longtemps été considérée à la fois comme sclérosante et obsolète. Perçue comme un lieu d’obligations et de devoirs, son mode de fonctionnement ne coïncide plus avec un capitalisme managérial qui se fait de plus en plus prégnant au XXe siècle. Figée, tournée vers le passé, avec une gestion paternaliste trop éloignée du paysage économique moderne, l’entreprise familiale est mal vue. Il faut attendre le milieu des années 1980, les premiers effets de la mondialisation et les conséquences des crises de la décennie précédente pour que le phénomène de l’entreprise familiale suscite un regain d’intérêt parmi professionnels et universitaires, avant que celui-ci ne retombe en désuétude.
 
C’était sans compter sur les retombées de la crise de 2008 qui a remis en cause les modèles en place.  Car dans un contexte économique très instable où le résultat est roi, les valeurs portées par les entreprises familiales – vision à long terme, indépendance financière, réinvestissement dans la croissance plutôt que désir de rétribution immédiate, stabilité – apparaissent de plus en plus porteuses de prospérité, et pour cause.
 
Daher dit « non » au népotisme
 
Daher, l’un des plus importants sous-traitants nucléaire et aéronautique français, mais également logisticien proposant une très large gamme de services, a fêté l’an dernier ses 150 ans d’existence. Créée en 1863 à Marseille par le bisaïeul de Patrick Daher,  l’actuel PDG, la société est d’abord une compagnie de transport qui, sur terre comme sur mer, achemine matériaux de construction et pipelines vers les colonies. Au fil du temps, Daher croît, variant sa clientèle.
 
Mais à la fin des années 1980, Daher fait face à une crise sans précédent. Tributaire de grands groupes de BTP qui subissent le contre-choc pétrolier de 1973, Daher perd alors « 40 % de [son] chiffre d’affaires en six mois », indique le PDG. C’est dans ce contexte que Patrick Daher prend ses fonctions en 1991. Il entreprend de réformer différents chantiers : changer de modèle, diversifier les métiers, mais également modifier une gouvernance quelque peu archaïque.
 
Les chefs de famille sont nombreux au capital, aussi Patrick Daher rachète-t-il 40 % des parts de l’entreprise afin de lui donner une unité décisionnelle, regroupant les actionnaires familiaux (280 à l’heure actuelle) dans un holding patrimonial (1). Puis il nomme des administrateurs indépendants. « L'administrateur indépendant est clef car, devant lui, l'argument doit être construitIl faut (…) des personnalités à même de s'imposer, à la fois conseils et miroirs, et suffisamment reconnus pour apporter une opinion avisée (…). Ils sont des contre-pouvoirs, mais aussi des challenges lorsqu'il faut prendre des décisions importantes (…)» rappelle Emmanuel Viellard, vice-président du groupe Lisi (2). Aujourd’hui, si, avec son milliard d’Euros de chiffre d’affaires, la famille détient 80 % des parts du groupe, ils ne sont que trois membres parmi les 7 700 salariés que compte l’entreprise. « Le népotisme, cela peut tuer une boîte », affirme Patrick Daher (1).
 
L’entreprise familiale, championne de l’international
 
Pour Philippe Johann, Directeur commercial du commerce international chez Société Générale, « les entreprises familiales ont parfaitement intégré [la] nécessité [de croissance externe] et se révèlent souvent être de véritables championnes de l’international. » (3) Une définition taillée pour le groupe Soufflet, avec ses 4, 958 milliards d’Euros de chiffre d’affaires en 2013 dont 54 % réalisés à l’export. C’est dans les années 1960 que le groupe agro-industriel – né en 1900 à Nogent-sur-Seine – prend son essor international sous la houlette de Michel Soufflet, père de Jean-Michel Soufflet, l’actuel Président du Directoire. Ce dernier raconte : « Mon père a tout de suite eu l'ambition de développer les ventes à l'international (…). Il a fait construire un silo portuaire à Rouen pour développer les exportations de céréales, d'abord vers les pays de la Communauté européenne puis vers les pays tiers » (4).
 
Cette stratégie paie : en passant de la seule collecte de céréales à l’exportation, le groupe se trouve en mesure d’ouvrir ses premières filiales à l’étranger. Il devient, en l’espace de vingt ans, le troisième exportateur de céréales de France, se mesurant désormais à des géants comme Cargill. Dans le même temps, Soufflet se diversifie et se positionne sur le secteur de la transformation, en profitant pour réorganiser ses métiers en huit pôles (agriculture, vignes / espaces verts, malterie, négoce…).  Ces avancées sont en partie rendues possibles par l’indépendance financière du groupe. La vision familiale à long terme, Soufflet l’a bien intégrée : les trois actionnaires familiaux du groupe ne se versent aucune rétribution, réinjectant tous les bénéfices dans leur entreprise…  
 
Longtemps décriées par leurs valeurs jugées désuètes, inadaptées aux nouvelles lois du marché, les entreprises familiales reviennent sur le devant de la scène, par la grande porte. « Patience et longueur de temps font plus que force ni que rage », telle pourrait bien être leur devise.
 
Sources :
L’entreprise familiale : un état de l’art, José Allouche et Bruno Amann http://leg2.u-bourgogne.fr/rev/031079.PDF
(1) De la navigation aux pièces d’Airbus, les métamorphoses de Daher, Le Monde, 14 mai 2013 http://www.lemonde.fr/economie/article/2013/05/14/de-la-navigation-aux-pieces-d-airbus-les-metamorphoses-de-daher_3201169_3234.html
(2) La famille Viellard cultive ses valeurs pour rester en mouvement, Les Echos, 7 octobre 2013, http://www.lesechos.fr/entreprises-secteurs/service-distribution/dossier/entreprendre/0203036385177-la-famille-viellard-cultive-ses-valeurs-pour-rester-en-mouvement-614265.php
(3) « Les entreprises familiales ont davantage d’agilité pour aller chercher la croissance à l’international », Les Echos, 7 octobre 2013, http://www.lesechos.fr/entreprises-secteurs/service-distribution/dossier/entreprendre/0203048160256-les-entreprises-familiales-ont-davantage-d-agilite-pour-aller-chercher-la-croissance-a-l-international-614352.php
(4) Le groupe Soufflet sème aux quatre coins du monde, Les Echos, 7 octobre 2013, http://www.lesechos.fr/entreprises-secteurs/service-distribution/dossier/entreprendre/0203036590769-le-groupe-soufflet-seme-aux-quatre-coins-du-monde-614201.php










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